Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat publie ce 9 août son rapport faisant l’état des connaissances scientifiques sur le changement climatique. Il détaille notamment la multiplication à attendre des événements extrêmes. Et avertit qu’il reste à peine vingt ans pour limiter le pire. Une condition : amener les émissions de gaz à effet de serre à zéro.

Le Groupe d’experts inergouvernmental sur l’évolution du climat (GIEC) publie lundi 9 août le rapport sur l’état des connaissances sur le changement climatique, ainsi que son Résumé pour les décideurs (Summary for policymakers).

Les discussions pour adopter le rapport du Giec se sont déroulées sur internet.

Etabli par le groupe 1 rassemblant des climatologues [1], ce document dresse un état des lieux exhaustif en synthétisant des centaines d’études parues depuis huit ans dans les revues scientifiques. Il montre que depuis son précédent rapport publié en 2013, les connaissances se sont consolidées, et surtout que la situation globale s’est aggravée. Comme le résume le communiqué publié par le GIEC« Le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie ».

• Télécharger le Résumé pour les décideurs (en anglais) :

Dans un langage technique et sans effet de manche, le Résumé pour les décideurs énonce un certain nombre de faits qui montrent la rapidité du bouleversement à l’oeuvre. Il pose d’abord ce qui ne fait plus de doute : « L’influence humaine a sans équivoque réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres émergées ». Ce réchauffement est intense : « Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850 ». Le réchauffement est plus important qu’il n’était évalué en 2013 : la température moyenne de surface est 1,09°C plus chaude qu’en 1850. En fait, ce réchauffement se produit à un rythme jamais observé depuis 2 000 ans

La concentration de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère atteint plus de 410 ppm – un niveau que la planète n’a pas connu depuis… deux millions d’années. Cette transformation due à l’activité humaine se traduit par des effets déjà nettement observables, écrit le GIEC : les glaciers se retirent partout dans le monde, la glace arctique décroit fortement, la couverture glacée du Groenland a commencé à fondre, l’acidification des océans est engagée, le niveau des mers s’élève continuement (3,6 mm par an depuis 2006).

De plus en plus d’événements climatiques extrêmes

Le pyrocumulus causé par le Dixie Fire en Californie en juillet 2021. L’incendie se poursuivait début août. Wikimedia Commons/CC BYSA 4.0/Frank Schulenburg

Les scientifiques du GIEC assurent aussi que le changement climatique « produit déjà de nombreux extrêmes climatiques dans chaque région du globe », tels que vagues de chaleur, précipitations intenses, sécheresses et cyclones tropicaux. Nouveauté majeure par rapport au précédent rapport de 2013, on peut maintenant produire des évaluations régionales, par exemple à l’échelle de l’Europe de l’ouest et centrale, de la Méditerranée ou du Sahara. L’accroissement des vagues de chaleur est ainsi scientifiquement validée dans presque toutes les régions du globe. La certitude est moins établie en ce qui concerne les sécheresses ayant des conséquences agricoles.

« C’est la première fois qu’un chapitre est dédié aux événements climatiques extrêmes. Nous avons beaucoup plus d’informations là dessus » indique à Reporterre la climatologue Sonia Seneviratne, une des 234 co-auteurs et autrices du rapport. « Certains événements extrêmes comme les canicules ou les fortes précipitations, peuvent désormais être attribués à l’influence humaine. »

Pour modéliser le lien entre ces événements et le réchauffement climatique, les scientifiques rappellent qu’une vague de chaleur extrême se produisait sur un territoire donné une fois tous les dix ans en moyenne durant l’ère pré-industrielle (1850-1900). Avec un réchauffement de 2°C par rapport à cette époque, les vagues de chaleur extrême se produiraient 5,6 fois en dix ans et seraient en moyenne 1,9°C plus chaude. Avec un réchauffement global de 4°C, ces vagues de chaleur se produiraient 9,6 fois sur dix ans, soit quasiment une fois par an. « Ce n’est pas seulement la fréquence de ces événements extrêmes qui va augmenter, mais également leurs intensités », précise Sonia Seneviratne. Difficile d’imaginer le Canada, pour prendre un exemple, essuyer tous les ans une vague de chaleur plus intense que celle que le pays a connue fin juin.

Fréquence des vagues de chaleur de niveau décennal : à gauche, une fois tous les dix ans entre 1850 et 1900, colonnes de droite, de plus en plus fréquentes selon le niveau du réchauffement.

Le Résumé pour les décideurs évoque aussi plusieurs points importants, qui sont développés dans le rapport complet :

• plusieurs changements dus aux émissions de gaz à effet de serre sont déjà irréversibles, et notamment l’élévation du niveau de la mer ou la fonte des glaciers. Mais leur ampleur sera variable selon le niveau des émissions.

• des phénomènes à faible probabilité, comme l’effondrement de la banquise, ou les changements de courants océaniques« ne peuvent être exclus ». Le document évoque ainsi les tipping points (seuils de basculement), c’est-à-dire la possibilité que le réchauffement dépasse un seuil à partir duquel se produiraient des effets irréversibles et s’amplifiant sans limitation possible. Le texte cite comme exemple une fonte accélérée de la banquise antarctique ou le dépérissement des forêts (perdant leur capacité d’absorption du CO2).

• l’urbanisation accroîtra l’impact des vagues de chaleur extrêmes et les cités côtières seront plus vulnérables, pouvant subir la combinaison de déferlements de vagues dus à l’élévation du niveau de la mer et des précipitations intenses provoquant des débordements de fleuves.

• le ralentissement du grand courant océanique atlantique, dit AMOC (Atlantic meridional overturning circulation), dont le Gulf Stream est une branche, se produira « très probablement » durant le XXIe siècle, entraînant notamment un assèchement en Europe.

À peine vingt ans pour éviter le pire

Le Résumé pour les décideurs recommande de « limiter les émissions cumulées de CO2 » et une « forte réduction » des émissions d’autres gaz à effet de serre, et notamment du méthane. C’est la seule solution pour empêcher une aggravation insupportable du changement climatique – en clair, empêcher de dépasser 1,5°C voire 2°C de plus qu’en 1850, des niveaux auxquels les conséquences seront déjà lourdes.

Les scientifiques ont précisé leurs analyses du budget carbone, c’est-à-dire la quantité de CO2 que nous pouvons encore rejeter dans l’atmosphère tout en restant sous la limite des 2°C de réchauffement à la fin du siècle. Sachant que l’humanité émet de l’ordre de 40 milliards de tonnes de CO2 par an, il reste vingt-deux ans d’émissions à ce niveau (ou 900 milliards de tonnes à émettre) pour rester en-dessous de 2°C, ou 7 ans et demi (ou 300 milliards de tonnes) pour rester en-dessous de 1,5°C. Les experts notent que la réduction des émissions en 2020 dues au Covid n’a pas eu d’effet notable sur la concentration atmosphérique en CO2. Des réductions continues et importantes sont indispensables, sans doute aidées par le retrait de CO2 de l’atmosphère par des moyens qui seront étudiés dans le rapport du Groupe 3, en 2022.

Le texte du GIEC est d’autant plus impressionnant qu’il est d’une austérité sévère. Aux « décideurs » – et à tout un chacun – d’en tirer les conclusions. Si les mots techniques n’étaient pas assez clairs, les événements de cet été meurtrier – vagues de chaleurs en Amérique du Nord et en Europe de l’est, incendies en Turquie et en Grèce, inondations en Allemagne, en Inde et en Chine,… – devraient constituer une explication de texte suffisante.

C’est maintenant que tout se joue…

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