Dans le monde, les indications géographiques comptent parmi les moyens les plus efficaces de valorisation du terroir de nombreux pays. Si cet outil offre de nombreuses opportunités économiques avec la renommée des produits étiquetés, il peut aussi générer de nombreuses disputes. C’est le cas notamment de la demande d’indication géographique protégée (IGP) sur le riz basmati qui est au centre depuis quelques mois d’un bras de fer entre l’Inde et le Pakistan. Alors que les deux pays voisins se partagent la zone historique de production de la céréale, le chemin de l’entente semble encore long dans un contexte de rivalités régionales. Dans une interview à l’Agence Ecofin, Delphine Marie-Vivien, chercheure au Cirad revient sur les enjeux économiques et politiques liés à cette IGP.

Agence Ecofin : Comment en est-on arrivé à ce différend entre l’Inde et le Pakistan à propos de l’IGP sur le riz basmati ?

Delphine Marie-Vivien : Je dois rappeler ici qu’une indication géographique protège un nom qui désigne un produit dont la qualité, les caractéristiques ou la réputation est liée à son origine géographique. Nous avons beaucoup d’exemples dans le monde comme le roquefort, le champagne, le thé Darjeeling en Inde, le poivre de Penja au Cameroun.

1Delphine Marie Vivien

Delphine Marie-Vivien, CIRAD.

Lorsqu’on enregistre une IG, la protection de ce nom est associée à un cahier de charges qui doit comprendre la description des caractéristiques particulières du produit, la méthode de production et la zone géographique. En l’occurrence, ici, une fois que le nom basmati est enregistré comme IGP sur le territoire européen, seul le riz qui répond aux conditions du cahier de charges pourra utiliser la dénomination basmati.

« Nous avons beaucoup d’exemples dans le monde comme le roquefort, le champagne, le thé Darjeeling en Inde, le poivre de Penja au Cameroun.»

La demande actuelle est soumise à la Commission européenne (CE) par le gouvernement indien et est basée sur l’IG enregistrée en Inde en 2016. Dans ce cahier des charges, il est spécifié les caractéristiques aromatiques et physico-chimiques, la liste des variétés qui peuvent être cultivées et la zone géographique, en l’occurrence 7 Etats d’Inde de la plaine Indo-Gangétique.

2riz basmati a la bolognaise

« Peut-être que grâce à ces négociations autour du Basmati, les deux pays vont se rapprocher. »

Evidemment, le Pakistan n’étant pas dans cette zone recouverte par le cahier de charges qui porte uniquement sur les Etats de l’Union indienne, se retrouverait privé de l’utilisation de la dénomination basmati dans l’UE. C’est ce qui explique cette opposition. Il faut dire que l’Inde et le Pakistan formaient une même zone unique en termes de facteurs humains, le même environnement géographique, les mêmes communautés de producteurs, de facteurs naturels avant la partition de 1947. Tout le monde est tout à fait conscient de cela et il n’y a pas de négation sur le fait que les deux pays produisent le basmati.

« Il faut dire que l’Inde et le Pakistan formaient une même zone unique en termes de facteurs humains, le même environnement géographique, les mêmes communautés de producteurs, de facteurs naturels avant la partition de 1947.»

L’UE a toujours encouragé l’Inde et le Pakistan à déposer une demande d’IG conjointe de manière à protéger le nom basmati. Il y a eu un premier groupe d’échange crée entre l’Inde et le Pakistan sur la période 2004-2006 qui avait commencé à réfléchir sur cette demande d’IG conjointe. Mais avec les changements politiques en Inde et les attaques terroristes de 2008 dans le pays, cette initiative n’a pas abouti. Actuellement, la demande d’IG a été examinée par l’UE qui a considéré que les critères de validité de l’IG comme le lien à l’origine était rempli et a publié la demande. Ensuite démarre la phase d’opposition où des tiers qui ne sont pas d’accord avec ce cahier des charges peuvent s’opposer à cette demande d’enregistrement du nom basmati. Et ce que le Pakistan fait actuellement. En vertu du règlement de l’UE sur les indications géographiques et appellations d’origine, les parties doivent négocier entre elles pour trouver un accord dans le délai imparti.

3 5kg basmati

Dernièrement, la Commission européenne a prolongé le délai pour les discussions pour trois mois jusqu’au 9 septembre. Si in fine, il n’y a aucun accord, la Commission devra trancher. Il y a cette chance donnée aux deux parties pour trouver un accord avant une décision de l’UE. Donc espérons que ces négociations puissent aboutir et que cela soit un moyen de redonner l’espace de discussion entre l’Inde et le Pakistan sur cette demande qui devrait être conjointe.

Lire la suite: https://www.agenceecofin.com/interview/0907-89961-comment-l-inde-et-le-pakistan-pourraient-partager-l-exclusivite-mondiale-sur-le-riz-basmati-cirad

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