La Guinée enregistre des progrès dans sa gouvernance minière en 2021 selon l’Indice de gouvernance des ressources naturelles du think tank NRGI, et les populations en tirent désormais directement profit, mais le renforcement des liens avec les autres secteurs de l’économie, condition pour que le pays ne devienne pas dépendant du secteur extractif, demeure un défi.

Avec une croissance de 5 % des exportations au premier trimestre 2021 par rapport à la même période en 2020, le secteur minier guinéen confirme sa résilience démontrée en 2020 et qui a propulsé la croissance économique au taux inattendu de 7 %alors que les autres secteurs d’activités s’effondraient sous l’effet de la pandémie de coronavirus. Les performances du pays dans la gouvernance minière ne sont pas en reste, selon l’édition 2021 de l’Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI) de notre think tank indépendant, Natural Resource Governance Institute (NRGI).

En effet, notre évaluation RGI 2021, qui porte sur les années 2019 et 2020, montre que, malgré le contexte sanitaire et politique difficile, la performance du pays est passée dans la tranche « satisfaisant », par rapport à « insuffisant » en 2019 et « faible » en 2017. Même si la progression de la Guinée dans l’indice RGI est moins importante (+6 points) qu’entre 2017 et 2019 où le score du pays avait augmenté de 12 points, son nouveau score de 62 sur 100 montre la persévérance du gouvernement dans la mise en œuvre des réformes clés du secteur.

La réforme minière la plus remarquable observée à partir de 2019 concerne l’activation des dispositions du Code minier de 2011/2013 relatives aux transferts infranationaux (FNDL) au profit de toutes les communes guinéennes. Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du Code minier, l’Etat a transféré à l’ensemble des municipalités des revenus miniers au titre du FNDL : 191 milliards GNF (20 millions de dollars) en 2019, 225 milliards GNF (22 millions de dollars) en 2020. Dans un contexte politique certes particulier, la Guinée a ainsi accompli une réforme remarquable au regard de sa portée pour le pays et pour l’Afrique francophone. Les montants transférés et fléchés au financement des infrastructures et des activités génératrices de revenus sont une révolution pour beaucoup de communes qui se voient ainsi allouer chaque année parfois l’équivalent de plusieurs fois leurs budgets annuels ordinaires. Par ailleurs, la démarche de transparence et de redevabilité adoptée par la Guinée est un exemple pour les pays africains comme le Sénégal et le Cameroun dont les dispositifs de transferts infranationaux ne sont pas complètement opérationnels.

En ce qui concerne l’écart entre les pratiques et les règles également mesuré par l’indice RGI, il est resté relativement stable entre 2019 et 2021.Toutefois, depuis 2017, la contraction de cet écart (de -32 à -14) traduit une mise en application progressive du Code minier, mais plusieurs réformes majeures demeurent en attente. A cet effet, le gouvernement guinéen pourrait intégrer dans ses textes l’obligation de rendre publiques les études d’impact environnemental et social (EIES) et les plans de gestion environnementale et sociale (PGES) relatifs aux projets miniers, pour inscrire dans la durée la bonne pratique de divulgation déjà à l’œuvre au sein du ministère en charge de l’Environnement. Il doit finaliser les textes d’application du Code de l’environnement de 2019, notamment ceux relatifs aux comptes fiduciaires à créer par les entreprises pour la réhabilitation environnementale des sites miniers, et aux indemnisations et réinstallations des personnes affectées par les projets miniers.

Par ailleurs, le gouvernement doit accélérer la dynamique de lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption en rendant opérationnel le mécanisme de divulgation de la propriété effective des titres miniers et en mettant en application l’article 8 du Code minier qui exige la déclaration des intérêts financiers des membres du gouvernement et fonctionnaires dans les entreprises intervenant dans le secteur. En outre, la Cour des comptes de la Guinée pourrait engager un audit sur les dépenses réalisées depuis 2019 sur les revenus miniers du nouveau Fonds national de développement local (FNDL) afin d’identifier et redresser au plus tôt d’éventuelles mauvaises pratiques des acteurs et institutions qui y participent. Rappelons que l’inefficacité dans l’allocation des fonds, la faible absorption des dotations et la dépendance des municipalités vis-à-vis de ces importants revenus miniers, constituent des défis de gouvernance majeurs, et le gouvernement devrait davantage affiner et communiquer sur ses plans pour y faire face, en lien avec l’assistance technique que l’Agence nationale de financement des collectivités locales (ANAFIC) fournit aux municipalités. Enfin, pour faciliter l’exploitation par les parties prenantes des données publiées par le gouvernement, ce dernier pourrait développer un portail en ligne de données intégrées sur les activités minières et les paiements, en les présentant projet par projet et sous format de données ouvertes.

Ainsi, l’indice RGI montre depuis 2017 que la Guinée progresse régulièrement dans la gouvernance minière, et les populations en tirent désormais directement profit. En déployant le FNDL, mais aussi le Fonds de développement économique local (FODEL), et en invitant les entreprises à mettre en œuvre le contenu local, et à poursuivre leurs importantes réalisations sociales dans les communautés, le gouvernement espère répondre aux fortes attentes sociales. Cela étant, l’ambition de créer davantage de liens domestiques avec les autres secteurs de l’économie reste un défi. Avec une petite dizaine de projets de transformation de bauxite à l’étude, la Guinée rêve depuis plusieurs années de l’industrialisation de la filière. Toutefois, la capacité de la transformation locale à générer de la diversification économique dans le contexte guinéen doit être davantage examinée, car une récente étude de NRGI montre que les liens domestiques aval sont susceptibles de monopoliser encore plus de ressources souvent rares, telles que des travailleurs qualifiés, de l’énergie, des capitaux privés et publics, entravant ainsi la croissance d’autres secteurs au lieu de la favoriser, et entretenant ainsi la dépendance du pays vis-à-vis du secteur extractif.

L’Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI) est le seul indice mondial qui permet d’évaluer la manière dont les pays gèrent leurs ressources extractives, à travers des questions liées au cadre juridique, aux pratiques, avec un focus sur la transparence et à la redevabilité.

Avec Hervé Lado, Country Manager pour la Guinée de NRGI, un think tank indépendant spécialisé dans la gouvernance des ressources naturelles.

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