Mohamed Lamine Sidibé est Spécialiste des questions extractives, notamment les mines et les hydrocarbures. Il travaille également sur les impacts socioéconomiques de l’exploitation minière et le processus de transparence qui implique la gestion de ces ressources en Guinée et en Afrique de l’ouest.

Dans un entretien qu’il a accordé à notre rédaction, nous avons parlé de la relance du secteur minier guinéen sous l’ère du gouvernement de la transition, mais aussi les avantages que bénéficie la Chine en matière de coopération avec la Guinée dans le secteur extractif.  Le tout a été couronné par une interrogation relative à l’impact des retombées minière sur la vie de la population guinéenne et la question de corruption qui mine le secteur.

Lisez…. !

Guineeminesnature.com : Le gouvernement de la transition est en pleine phase de relance des projets miniers avec ses partenaires. Quelle lecture faites-vous ?

 M.L.Sidibé : Je pense que la lecture qui va s’imposer sur la relance des activités minière en République de Guinée a plusieurs facteurs. Le premier facteur, c’est la relance de l’économie chinoise. Vous savez, les perspectives annoncées par le FMI et la banque mondiale sur le rebond de l’économie chinoise situent la croissance de l’empire du milieu à hauteur de 5,2%. Donc les performances du géant asiatique ont forcément des répercutions sur la consommation des matières premières. C’est pour cela d’ailleurs que la Chine est beaucoup intéressée aujourd’hui par le projet Simandou qui est stratégique pour son économie. Vous n’êtes pas sans savoir que la Chine c’est le premier consommateur, en même temps le premier producteur d’acier dans le monde. La Chine est aussi à la pointe en matière de fabrication des batteries électriques. Donc l’ensemble de ces composantes ont besoin des minerais stratégiques tel que le fer.

Le deuxième facteur, c’est du fait que la Chine est beaucoup intéressée par les projets miniers en Guinée particulièrement le projet Simandou. Cet intérêt est lié à la teneur de ce minerai qui est de 65%. Alors qu’en ce moment même, le gouvernement chinois a mis en place des restrictions en matière environnementale pour baisser le taux d’émission de certaines industries lourdes dans le pays. Donc ces deux facteurs réunis concourent à l’intérêt de la Chine par rapport au secteur extractif guinéen, plus particulièrement.

Une délégation guinéenne vient d’effectuer une visite en Chine dans le cadre des négociations. Quelle est votre analyse ?

Le gouvernement de la transition a de très bonnes relations avec d’autres partenaires occidentaux, telles que la FMI et la banque mondiale, qui ont accordé d’ailleurs des prêts à la Guinée. Mais vous n’êtes pas sans savoir que le premier partenaire économique de la Guinée, c’est la Chine. Et pour que le projet Simandou puisse être relancé aujourd’hui, il faut s’accrocher un peu à la Chine qui hésite à participer pleinement dans la redynamisation du projet. C’est dans cette logique que Monsieur Djiba Diakité (Ministre-directeur de cabinet de la présidence de la transition) s’est rendu en Chine pour voir le vice-ministre des affaires étrangères pour échanger avec lui pour les rassurer. Aujourd’hui, toutes les parties sont d’accord pour la relance des activités de Simandou au mois de mars.

Beaucoup estiment que la population guinéenne ne bénéficie pas de ces retombées minières. Qu’est-ce que vous en dites ?

Vous savez, la question de retombées minières et la question d’investissement font deux. Les investissements se mesurent à l’échelle macroéconomique, donc sur l’échelon du PIB. Le PIB ne reflète pas forcément le bien être des populations. La Guinée a fait beaucoup d’effort en matière de redistribution des revenus miniers. Pour rappel, l’ancien gouvernement avait mis en place des instruments de financement des collectivités locales à différents niveaux, dont trois instruments phares qui sont : le Fodel ( Fonds de développement économique local) qui est acté à travers l’article 130 du code minier ; il y a aussi le FNDL (Fonds national de développement local) qui est acté par l’article 165 du code minier et qui est rattaché à l’ANAFIC ( Agence Nationale de Financement des Collectivités locales) ; il y a également la redevance superficielle à travers l’article 160 du code minier qui fait une redistribution directement au niveau des communautés qui abritent les projets. Le Fonds national de développement local est prélevé sur 1% du chiffre d’affaire des sociétés et 0,5% distribué dans les localités qui abritent les projets. Donc chaque collectivité locale de la Guinée bénéficie à travers l’ANAFIC d’un fonds de un milliards de nos francs. Donc je pense que la meilleure question à se poser c’est la concentration de ce fonds au niveau de l’ANAFIC. Puisque le nouveau ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation a changé carrément la dynamique qui était là avant, rattachant tout au niveau de l’ANAFIC, c’est ce qu’on doit poser aujourd’hui comme question. A travers cela est-ce que les communautés vont mieux bénéficier ou-bien c’est le schéma d’antan qui est meilleur. Je pense que ce sont les deux là qu’on doit mesurer aujourd’hui. Sinon les structures de redistribution sont en place, maintenant c’est une question de gestion qui va se poser.

La corruption est un autre facteur dans le secteur minier guinéen, au point que le président de la transition avait déclaré un jour ‘’qu’il n’a pas d’ami pour la corruption’’. C’est quoi votre avis ?

Vous savez, la volonté du président d’endiguer le phénomène de corruption est claire. Il n’y a pas de doute là-dessus. Il est déterminé à lutter contre ce fléau en Guinée. Mais c’est quelque chose qui n’est pas du tout facile. C’est un travail qui se fait sur le long terme. Donc il va falloir travailler dessus. C’est à travers cela d’ailleurs qu’il a mis en place la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières) qui est chargée de lutter contre la corruption. En plus, il y a des instances aussi qui travaillent sur les mesures d’endiguement de la corruption. Il y a des acteurs de la société civile qui travaillent également dessus. Donc nous allons attendre les rapports de ces différentes structures pour mieux pousser nos analyses par rapport à cela. Sinon jusqu’à date à part l’affaire Simandou version ancienne au temps du régime d’Alpha Condé, et quelques fraudes fiscales qui ont été réglées à l’amiable entre l’Etat et la SMB, je n’ai connaissance d’aucun autre cas de corruption. Mais la dynamique d’endiguement de la corruption en Guinée est en cours et c’est appréciable.

Merci M. Sidibé !

Je vous remercie !

Entretien réalisé par Younoussa Sylla, pour guineeminesnature.com

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Résoudre : *
2 + 8 =