Chaque année, la Guinée perd des centaines d’hectares de forêts, victimes de l’exploitation minière, de l’agriculture extensive, et parfois du trafic illégal de bois. Face à cette situation alarmante, le gouvernement met en œuvre des initiatives de reboisement et de sensibilisation, tandis que les gardes forestiers s’efforcent de faire appliquer la politique de préservation. Mais comment ces agents fonctionnent-ils sur le terrain ? Quelles sont leurs difficultés ? Et que doit faire l’État pour renforcer leurs actions ?

Pour en savoir plus, la rédaction de Guineeminesnature.com a rencontré le Lieutenant-colonel Mohamed Fofana, Directeur national des Forêts et de la Faune. Il nous livre ici ses explications sur l’état critique de nos forêts, le fonctionnement de son département, ainsi que les défis à relever.

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Guineeminesnature.com : Bonjour Monsieur le Directeur. Pouvez-vous nous rappeler la mission de votre direction ?

Lt-Col Fofana : Notre mission principale est de mettre en œuvre la politique gouvernementale en matière de gestion durable des forêts. Aujourd’hui, nul n’ignore l’état alarmant de notre patrimoine forestier. Malgré les efforts de l’État pour restaurer le couvert végétal, la dégradation reste visible et préoccupante.

À quel niveau estimez-vous l’état de cette dégradation ?

Quand on compare les années 1980 à aujourd’hui, la régression est considérable. C’est une réalité visible à l’œil nu.

La déforestation entraîne une hausse des émissions de CO₂. Qu’en est-il de cette dimension ?

Effectivement, mais l’analyse technique de ces émissions relève de la Direction de l’Environnement, spécialisée sur les questions de changement climatique. Pour notre part, nous nous concentrons sur l’état des forêts et les mesures de restauration. La Guinée a pris des engagements internationaux, et le gouvernement appuie chaque année le ministère pour le reboisement.

Les activités minières sont souvent citées parmi les causes majeures. Quel est votre avis ?

Les mines contribuent effectivement à la dégradation des forêts, mais ce n’est pas le seul facteur. L’urbanisation, la démographie galopante et l’exploitation anarchique jouent également un rôle. Il est essentiel de sensibiliser les citoyens pour qu’ils comprennent que ce patrimoine doit être géré de manière rationnelle et transmis aux générations futures.

Quelles mesures recommandez-vous pour atténuer les impacts environnementaux, notamment dans les zones minières ?

La solution la plus efficace reste la restauration des zones après exploitation. C’est pourquoi les grandes compagnies minières comme la GAC, la SMB ou la SMD participent à des programmes de reboisement aux côtés du ministère de l’Environnement.

Le projet Simandou menace plusieurs forêts sur le corridor. Une étude environnementale est-elle prévue ?

Oui. Avant toute exploitation, un quitus environnemental est exigé. Ce document conditionne la réalisation d’une étude d’impact environnemental et social, que toutes les grandes sociétés doivent produire.

Les rapports sont-ils disponibles pour le projet Simandou ?

Ils sont accessibles à l’Agence Guinéenne d’Évaluation Environnementale (AGEE), l’institution en charge de ces questions.

La construction du chemin de fer Simandou affecte aussi la faune, notamment les éléphants. Quelles sont les mesures prises ?

Toute exploitation a un impact sur la faune. C’est pourquoi les études d’impact incluent toujours des mesures compensatoires. Nous veillons à préserver les couloirs de migration, notamment via l’Office guinéen des parcs et réserves, qui œuvre pour protéger ces espèces emblématiques.

Quelles sont les principales difficultés de votre direction ?

La difficulté majeure reste la formation. Beaucoup d’ingénieurs expérimentés sont partis à la retraite récemment. Nous formons actuellement de jeunes cadres pour renforcer leurs capacités et assurer une meilleure couverture du territoire.

Un dernier mot ?

J’invite l’ensemble des citoyens, collectivités et élus locaux à s’engager activement dans la protection de notre patrimoine forestier. Ce bien commun assure trois fonctions essentielles : économique, de protection, et de conservation. La forêt peut aussi soutenir l’écotourisme, une source potentielle de revenus, à condition qu’elle soit bien préservée.

Guineeminesnature.com : Merci Monsieur le Directeur.

Lt-Col Fofana : C’est moi qui vous remercie.

Sylla Youn pour guineeminesnature.com