Plus de deux milliards de dollars doivent être investis pour réaliser un port, un chemin de fer et une route devant faciliter l’exploitation minière et désenclaver le sud et le centre du pays. Mais un différend juridique pourrait compliquer la donne.
Appliquer la stratégie d’exploitation partagée des infrastructures minières déjà à l’œuvre au nord-ouest du pays plus au sud. Telle est l’ambition de la convention de concession qui doit être signée prochainement, en marge de l’Exposition universelle 2020 à Dubaï, entre Marine Contracting & Infrastructure (MCI), filiale guinéenne du constructeur émirati Ghantoot Group, et les autorités guinéennes.
Le texte, qui doit ensuite être ratifié par le Conseil national de transition (CNT), parlement provisoire que le président de la transition Mamadi Doumbouya vient d’installer, prévoit la construction d’un ensemble d’infrastructures – port, chemin de fer et route – pour créer un corridor dans le sud-ouest et centre du pays entre la zone côtière de Forécariah et les villes de Kindia et Mamou notamment. Le projet représente un investissement de plus de deux milliards de dollars (1,75 milliard d’euros) sur sept ans, mais demeure menacé par un différend juridique entre certaines parties prenantes (voir encadré plus bas).
Désengorger le port de Conakry
Aujourd’hui, pour rallier Mamou ou Kindia à Forécariah par la route, le voyageur n’a d’autre choix, faute de route bitumée ou de chemin de fer, que de pousser jusqu’à Coyah, aux portes de Conakry, avant de reprendre la route nationale 4 (RN4) Coyah-Pamelap vers la frontière avec la Sierra Leone. De même, « l’ensemble des mines de la région se situent entre 150 et 350 km de la côte, soit trois à cinq fois plus éloignées de l’océan que celles du corridor nord », explique Ghassen Knani, le directeur général de MCI. « L’exportation minière se faisant exclusivement par voie maritime, les coûts de transport sont actuellement trop élevés pour que l’exploitation de ces mines soit viable », reprend-il. Un problème auquel le corridor sud devrait remédier.
Dans le détail, la concession comprend trois composantes. La première porte sur la rénovation et l’extension du port de Konta (dans la zone de Forécariah), propriété de l’État guinéen jusque-là exploitée par l’Indien Ashapura pour évacuer le minerai de fer venant de la mine de Yomboyéli, relancée en 2019. Outre la rénovation, MCI s’engage aussi à construire des quais de produits miniers et agricoles, un terminal pétrolier avec des capacités de stockage et un quai de service pour le fret et le matériel roulant. Un dispositif évoqué de longue date mais jamais réalisé, qui doit désengorger le port de Conakry.
On utilise les mines pour développer d’autres secteurs
La deuxième composante du projet est la construction d’une route de 160 km, dont 120 km reliant le port de Konta et la RN4 à la RN1 Kindia-Mamou, au niveau de Bokaria. La troisième et dernière composante est un chemin de fer long de 420 km (et réalisé en deux phases) devant relier le port de Konta aux plateaux bauxitiques des régions de Kindia et Mamou. L’utilisation des infrastructures par les sociétés minières se fait contre le paiement d’une redevance en faveur de MCI et de l’État.
Plusieurs milliers d’emplois créés
Selon les prévisions de MCI, 70 millions de tonnes de produits devraient être évacuées en dix ans et, pour chaque tonne, la Guinée percevrait 1,7 dollar de redevance. Au total, le projet rapporterait à l’État quelque sept milliards de dollars durant la durée de la concession, fixée pour l’heure à trente ans. Le projet devrait générer 4 500 emplois directs pendant la construction et 2 500 durant la phase d’exploitation. À terme, ces infrastructures réalisées dans le cadre d’un BOT (build, operate, transfer ; construire, opérer, transférer) reviendront à l’État.
Le corridor a l’avantage d’encourager les projets qui sont dans la zone tout en créant un nouveau pôle de développement
« Le besoin de construire un port multimodal dans la zone de Konta a toujours existé, commente un bon connaisseur du secteur. Généralement, les miniers développent des quais portuaires et non un complexe comme ici. Le corridor a l’avantage d’encourager les projets qui sont dans la zone tout en créant un nouveau pôle de développement. » Même son de cloche du côté de MCI. « On utilise les mines pour développer d’autres secteurs. C’est un projet structurant », résume Ghassen Knani. Une quinzaine de sociétés minières, dont Ashapura, la Société de bauxite Dabola-Tougué (SBDT), la Société des bauxites de Guinée (SBG), Elite Mining ou encore Belzone Mining, auraient déjà manifesté leur intérêt à investir.
« La difficulté est de réunir autour du projet tous les intervenants, alors que ce sont des entreprises aux compétences et cultures différentes, souligne Amadou Bah, président de l’ONG Actions mines Guinée. Les questions du financement, de la coordination, du respect des normes environnementales et de l’exploitation des infrastructures seront cruciales. »
In JA