Détruire le village historique de Domba pour y extraire quelques kilos d’or. Après l’épuisement de la mine d’or de Morila, c’est le nouvel objectif de la société minière Morila SA, filiale de Rangold et Ashanti Gold. Cela avec la complicité de quelques ressortissants du village à Bamako. Sans le consentement du chef de village et des villageois.

Situé à 3 kilomètres de Sanso, village qui abrite la mine d’Or de Morila, les habitants de Domba ne dorment plus que d’un œil et demi. Et pour cause: les concessions, d’au moins 26 familles, sont menacées de destruction. Le géant minier, Rangold, a trouvé de l’or dans leur sous-sol et pour s’en accaparer, elle a usé de la vieille tactique de «diviser pour régner». Pour ceux qui ne le savent pas, Domba, c’est le village d’origine de Me Moctar Mariko, le président de l’Association malienne des Droits de l’Homme (AMDH). Me Mariko n’est pas la seule personnalité que le petit village de Domba a offerte au Mali. Le professeur agrégé en médecine le colonel Elimane Mariko tout comme l’écrivain et ancien ministre de la République Dr N’tji Idriss Mariko sont tous natifs de ce village.

 

«Et si l’Afrique était malade de ces intellectuels?», titrait André Julien Mbem dans un livre publié en 2008. L’interrogation de l’écrivain camerounais est légitime, surtout au Mali où le constat est amer. Ce qui se passe à Domba, le prouve à suffisance. Sidéré par les travaux de Rangold en cours dans son village sans son consentement, Kounrouko Mariko, le chef du village envoie une correspondance le 06 août dernier au directeur de Morila SA. On peut y lire: «Monsieur le directeur, vous avez peut être développé des négociations avec l’association Domba Yiriwaton, mais pas avec le chef du village que je suis et la communauté résidente de Domba…. Nous pensons Monsieur le directeur qu’un protocole d’accord non avalisé ni par la population ni par le chef du village ne saurait courir ses effets sur le village et ses habitants», conclut la missive de Kourounko Mariko. Malgré, cette mise au point, les énormes bulldozers de mine sont toujours à l’œuvre dans le petit village. Imperturbables.

Un bulldozer sur le site

Comment en est-on arrivé là?

Le 10 juillet 2017, un protocole d’accord pour la réalisation du «Projet Domba» est signé à Bamako au ministère des Mines. Au tour de la table, Drissa ARAMA, directeur général de Morila SA; Pr Tièmoko Sangaré, ministre des Mines et le président de l’Association des ressortissants de Domba, Pr Elimane Mariko. Cet accord, sans le chef du village ou un représentant venu du village est pour Rangold Ressources une victoire. Car, c’est le feu vert pour le début de ses activités à Domba. Pour les villageois par contre, c’est le début d’une période marquée par des intimidations et des incompréhensions.

Pourquoi une association tapie à Bamako, en l’occurrence Domba Yiriwaton, a-t-elle autorisée les activités minières dans le village, sans le consentement ceux qui y vivent? Le meilleur messager d’une prison n’est-il pas un prisonnier? La réponse à cette première question n’est pas évidente. D’autant plus que dans une correspondance envoyée le 04 octobre 2015 au ministre des Mines, la même association affirme protester face «à la destruction partielle de leur village». Pour cela Domba Yiriwaton évoque: «les nuisances sonores, la pollution de l’air, la contamination de la nappe phréatique ou encore l’impossibilité pour les enfants de se concentrer étant donné que le chantier est situé à quelques 50 m de l’école».

La lettre signée par toutes les trois personnalités citées plus haut conclut: «les arguments économiques avancées par la société Morila SA ne tiennent pas face aux risques encourus, d’autant que dans la lettre que vous [directeur de Morila SA] avez dressée, on reconnait que l’exploitation est rentable. Mais peut-on mettre la vie des gens en balance avec le prix de l’or?», s’interrogeaient ainsi les membres de l’association à l’époque. Alors qu’est ce qui a changé depuis? Nous ne saurions vous le dire.

Quoi qu’il en soit le chef du village de Domba ne se reconnaît pas dans le protocole signé à son absence et une semaine après la signature du document, il envoie une demande de «protestation contre la signature du protocole d’accord» au directeur de Morila SA. Pour s’organiser autour de leur chef, les villageois ont fait circuler une pétition. Plus de 400 signatures ont été recueillies. Tous marquent leur désapprobation face au projet destructeur.

Interpellé, le ministre des Mines répond à travers son secrétaire général, Lamine Alexis Dembelé: «Monsieur le chef de village quand j’apposais ma signature  au bas du document, comme vous le dites de bonne foi, je n’ai jamais douté de la bonne foi des autres. C’est vous dire monsieur le chef de village  que je suis étonné et surpris   en recevant votre courrier et vous invite à trouver la solution en votre sein», se dédouane-t-il dans un courrier envoyé le 25 juillet dernier à Domba.

De son côté, Rangold Ressources réagit. La société s’estime prête à investir 300 millions fcfa (540 000 USD) pour la protection de l’environnement et pour la réalisation  d’infrastructures  dans le village. Enorme investissement pour une société, principalement basée au Mali, qui a réalisée en 2015, un bénéfice net de 190 millions de dollars.

Pour apaiser le climat social dans le village, le réseau Djoko Ni Maaya entame ce jeudi soir une séance de pourparlers avec les villageois. Face à face ceux qui sont pour le projet et ceux qui s’y opposent. Wait and see….

Papa SOW

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