En Guinée, beaucoup de citoyens ne savent pas faire la différence entre les professions de droit. Pourtant, il existe une nuance entre les familles de juriste, parmi lequelles on peut citer les avocats, les magistrats, les procureurs, les greffiers, les huissiers etc.

Pour lever cette équivoque, nous avons rencontré Me Sékou Maouloud Koïta, avocat à la cour, Directeur du Master Droit Privé et Fondammental de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia. Avec lui, nous avons abordé des questions liées à la nuance existant entre les professions de juriste. La complémentarité de celles-ci dans le cadre du service public de la justice a été également abordée au cours de notre discussion.

Dans les pages qui suivent, nous vous invitons à lire un extrait de cet entretien réalisé par Younoussa Sylla, pour guineeminesnature.com

<<La première chose à noter, c’est de préciser qu’il existe une grande famille de métier de droit qu’on appelle Juriste. Le juriste, c’est celui qui a fait une formation en sciences juridiques sanctionnée par un diplôme qui peut être une Licence, un Master ou un Doctorat, en application du nouveau système qu’on appelle LMD ( Licence, Master, Doctorat). Donc le juriste, c’est celui qui a fait les études de droit. Dans cette première grande famille du juriste, vous avez maintenant le juriste qui est avocat, conformément au premier article de la loi 014 du 26 mai 2004. C’est le professionnel de droit qui est habilité à conseiller, à représenter, à assister et à défendre son client, qui peut être une personne physique ou morale. Au passage, je dirais que l’avocat a le monopole de la défense. C’est-à-dire, en dehors de sa famille ascendante ou descendante, aucune autre personne ne peut défendre devant une juridiction. C’est une pratique qui est réservée à l’avocat.

Vous avez aussi les magistrats. Au niveau de cette famille, il y a des distinctions à faire. Vous avez des magistrats de siège, des magistrats debout. Vous avez aussi des juges civils, des juges correctionnels, des juges qui tranchent un procès. Vous avez aussi des juges d’instruction qui font une enquête dans une procédure correctionnelle ou criminelle. A côté, il y a leurs frères et sœurs de magistrats qu’on appelle des parquetiers : vous avez le procureur général, le procureur d’instance, le substitut d’un procureur. Donc cette grande famille de magistrats aussi a des distinctions, mais ce n’est pas le même traitement. Le juge par exemple est caractérisé par son indépendance vis-à-vis de l’exécutif. Personne ne peut intervenir dans une affaire dans laquelle le juge est saisi. Il ne répond que de ça conscience devant la loi. Or le parquetier, le procureur général et le procureur d’instance, ils ont une hiérarchie au dessus de laquelle vous avez ministre de la justice, qui peut leur donner des instructions notamment la politique pénale, et chaque étape détermine sa politique pénale. Par exemple les comportements que la société a estimé pas acceptables comme une infraction s’est compilé et le ministre de la justice et garde des Sceaux donne des instructions dans la mise en œuvre ou de l’application de cette politique pénale qui est prévue en principe par le chef de l’exécutif, donc le président de la République qui lui-même donne des instructions à son premier ministre qui donne aussi des instructions au ministre de la justice pour la politique pénale. Voilà les deux premières familles de droit qui sont beaucoup plus connues en Guinée: les magistrats et les avocats. Mais croyez moi, partant de cette distinction, je ne suis pas allé en profondeur, il y a encore des subtilités, des nuances encore à faire au niveau par exemple des magistrats et même au niveau des avocats, puisque vous avez des avocats conseils qui ne plaident pas, qui ne font que de la consultation, ils sont dans les entreprises quand ils ouvrent leur cabinet, ils portent rarement les robes. Il ya d’autres avocats qui font les deux: plaidoirie et conseil. Ils assistent leurs clients devant les juridictions. Donc il y a beaucoup de nuance, difficile pour un profane de cerner tout ça. Mais dans cette famille déjà il faut distinguer la première grande famille de juriste et avocat.

A côté de ces deux familles, il y a les notaires. C’est aussi une famille qui est présidée par la chambre nationale des notaires. Donc ils ont un confrère à qui ils ont fait confiance qui défend l’intérêt de la corporation de la famille de notaire. Les notaires ont des privilèges, ils ont des monopoles par exemple dans la rédaction des ventes immobilières. Sachez qu’en principe conformément à la loi 014 relative à la réorganisation de la profession d’avocat en Guinée prévoit que seuls les notaires ont le droit de rédiger une vente immobilière. L’avocat peut le faire avec la signature, mais à la fin il faut passer par un notaire pour le rendre authentique. Pour notarier l’acte simple, il faut que l’avocat rédige. Les notaires conseillent aussi, ils ont aussi le monopole en ce qui concerne la rédaction de contrat de mariage. Parfois on ne fait pas la différence entre un contrat de mariage et l’acte de mariage. L’acte de mariage c’est ce que nous signons à la mairie devant un officier de l’Etat civil. Mais le contrat de mariage est rédigé par le notaire. L’avocat peut le faire, il peut le faire en projet. Mais ça n’a la valeur juridique que quand c’est rédigé par le notaire. Avec l’application de nouveau code de 2019, un chef de greffe aussi peut rédiger. Et là ce monopole est partagé avec un chef du greffe. Il y a certaines villes où il n’y a pas de notaire installé . Le notaire fait le conseil, Mais contrairement à l’avocat, le notaire n’est pas caractérisé par l’indépendance, puisque l’accès à la profession est fait par l’ordre des avocats. Le conseil de l’ordre des avocats qui inscrit un individu sur le tableau des avocats et le bâtonnier qui présente pour la prestation de serment. Or chez Le notaire vous avez l’implication du ministre de la justice pour le recrutement des notaires.

A côté de ces trois premières familles, nous avons aussi les greffiers qui sont une autre catégorie de famille judiciaire qui accompagne les magistrats pour exécution du service public de la justice . Moi je dirais que les greffes, c’est la porte de justice. C’est par là on rentre et c’est par là on sort. Quand vous avez une demande à faire à la justice, vous passerez par les greffes, si vous avez fini votre acte c’est le greffe qui vous notifie. Donc il ne peut pas y avoir de procès sans un greffier. Vous avez toujours un greffier qui est là pour noter tout ce qui se dit et qui se fait dans le primitif. Donc c’est une autre famille de juriste qui est là au service de la justice.

Vous avez aussi des huissiers de justice. Un huissier de justice, c’est un auxiliaire, c’est d’ailleurs comme un avocat. Puisque la loi définit l’avocat comme un auxiliaire de justice. Donc l’huissier participe au service public de la justice. C’est à travers l’huissier qu’on exécute une décision, ils ont ce monopole. Quand vous avez bénéficié d’un juge favorable ou un arrêt favorable, vous avez besoin du service d’un huissier de justice pour son exécution. Mais aussi lorsque vous voulez saisir la justice, vous passez par le service d’un huissier de justice. Là ce n’est pas un avocat, l’avocat peut vous faire une requête, vous pouvez saisir la requête émanant d’une demande unilatérale mais si c’est de manière contradictoire, là il faut passer par un huissier de justice. Les huissiers de justice sont aussi assermentés.

Il y a aussi des juristes d’entreprises. Il y a certains juristes qui ne sont pas dans le contentieux mais plutôt en entreprise où d’autres entités en administration. Figurez-vous que toutes les administrations publiques que vous connaissez ont un conseiller juridique, dans un État organisé. On est organisé à travers la loi. Comme j’aime le dire, nous avons trois normes qui organisent la société : nous avons la normes religieuses, la norme morale et la normes juridique. Mais c’est la norme juridique qui touche tout le monde. Puisque la norme religieuse nous n’avons pas la même religion, la norme morale nous n’avons pas la même morale. Mais dans un même État on est tous concernés par le code civil et par la même constitution. Et voilà pourquoi on est tous soumis à la loi et on dit que nul n’est au dessus de la loi.

Donc vous avez certains juristes qui ne sont pas dans le contentieux , ils sont plutôt dans les services de conseil en matière de création d’entreprise, d’investissement, donc dans toutes les activités d’entreprise il faut un conseil d’un juriste. Maintenant qu’il soit les différentes familles que je viens de citer. Il peut être un avocat, un huissier de justice, un notaire. Mais en revanche un magistrat est un fonctionnaire, même si le magistrat a un statut particulier de la fonction publique, il reste quand même un fonctionnaire. Et donc il n’intervient que lorsqu’il est saisi par les citoyens. Et il peut y arriver que, comme nous sommes en train de faire, l’avocat communique pour informer justement les citoyens.

Donc notre université depuis 2017 exige pour qu’on ait des diplômes de doctorat pour intervenir dans une faculté de sciences juridiques et politiques ou dans toutes les universités puisque la loi ne distingue pas. Tout l’arrêté est un arrêté, l’arrêté ne distingue pas.

Donc les autres familles que je viens d’énumérer, à la base pour être juriste il faut être formé par des enseignants, donc un juriste peut être aussi un enseignant. Il peut avoir pour grade Maître assistant, Maître de conférence , Professeur et jusqu’à Professeur titulaire.

Donc voilà en quelques sortes les détails et les précisions par rapport à la distinction des différentes familles dans le métier de droit>>

Il faut rappeler que Me Sékou Maouloud Koïta, est avocat à la cour. Il est également Directeur du Master Droit Privé et Fondammental de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, Conakry. -Vice-doyen chargé des études;
-Titulaire d’un doctorat en droit privé et sciences criminelles de l’Université de Reims;
-Titulaire d’une maîtrise en droit des affaires à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

A suivre…

Par Sylla Youn, pour guineeminesnature.com