Alors que l’Europe connaît une vague de chaleur et des incendies sans précédent cet été, plusieurs climatologues alertent sur la pérennisation d’épisodes extrêmes causés par le réchauffement climatique.
L’Europe suffoque et cela n’est pas près de s’arrêter, préviennent plusieurs experts en climatologie. Jusqu’à 32 °C relevés dans le cercle polaire le 17 juillet 2018 et près de 25 000 hectares de forêt partis en fumée en Scandinavie avec des températures record allant jusqu’à 35 °C en Suède. Une situation dramatique en Grèce, où plus de 70 personnes sont mortes le 24 juillet dans des incendies sans précédent causés par la sècheresse et la chaleur. L’exceptionnel pourrait devenir banal, estiment plusieurs chercheurs qui imputent ces phénomènes extrêmes au réchauffement climatique.
Alors que depuis 2016, les températures ont atteint des niveaux jamais enregistrés sur Terre, Pierre Radanne, spécialiste des questions énergétiques et écologiques interrogé par France 24, estime que « si nous ne faisons rien pour le changement climatique, nous encourons un réchauffement de 6 °C dans les dizaines d’années à venir ». « Les engagements de l’accord de Paris [visant à limiter le réchauffement moyen à moins de 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle] sont insuffisants », alerte ce chercheur, actif dans les négociations internationales sur le climat. Une inquiétude partagée par le climatologue Jean Jouzel. « Ce qui se passe, nous l’envisagions il y a une trentaine d’années. Ce que l’on dit n’est pas vraiment pris au sérieux quand on regarde la façon dont la lutte contre le réchauffement climatique au niveau planétaire s’organise », estime-t-il sur France info.
L’expert s’inquiète notamment d’un manque d’investissement de la part des États-Unis, qui se sont retirés de l’accord de Paris, ou encore de la Russie, qui ne l’a toujours pas ratifié. « Il y a un risque d’effet d’entraînement », regrette-t-il.
Des canicules qui confirment les prévisions à long terme
Les récents épisodes de chaleur en Suède et en Grèce « sont compatibles avec les tendances à long terme causées par l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre », rapporte l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui prévoit des températures supérieures à la normale jusqu’à début août, de l’Irlande aux pays baltes, en passant par la Scandinavie.
Mais cette vague de chaleur extraordinaire ne s’arrête pas aux frontières de l’Europe. Au Japon, les températures ont excédé 35 °C par endroits la semaine dernière, faisant 80 morts depuis la mi-juillet. La Sibérie a également été touchée, tout comme les États-Unis, avec des températures dépassant 40 °C à Los Angeles début juillet. « Généralement, il y a des vagues de chaleur sur une partie de la planète (…), mais là, la totalité de l’hémisphère nord a chaud, c’est stupéfiant », relève Anders Levermann, climatologue au Potsdam Institute for Climate impact research (PIK).
A posteriori, des recherches peuvent être menées pour estimer si un événement aurait pu ne pas se produire sans le changement climatique. Ainsi, en décembre dernier, pour la première fois, une étude publiée dans le Bulletin of the American meteorological society concluait que le réchauffement était le seul responsable du record de chaleur global pour 2016 et d’une canicule extrême en Asie.
Des pics à 55 °C en France à partir de 2050
« Il faut accepter qu’à cause des changements climatiques, les mauvaises années sur le front des incendies risquent de se multiplier, avec des feux dévastateurs et difficiles à contrôler qui augmentent à cause du cocktail chaleur et sècheresse mêlées », prévient Thomas Curt, de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), sur France Inter. « La prévention des incendies est l’élément clef pour en réduire les impacts », estime le chercheur, qui encourage également à lutter contre le réchauffement climatique.
Pour donner un ordre d’idée, en cas de réchauffement climatique non maîtrisé, on pourrait voir à partir de 2050 des températures frôlant les 55 °C en France, d’après Jean Jouzel. « Chaque année, nous aurons des températures record qui seront battues, une fois en Russie, l’autre fois en France ou au Japon », souligne le climatologue français. Les canicules comme celle de 2003, qui avait fait 70 000 morts en Europe, « risquent de devenir la norme après 2050 ou 2060 », poursuit-il.
Selon une étude parue en 2017 dans Nature Climate Change, rien qu’en respectant les engagements de Paris, la moitié de la population mondiale sera exposée à des vagues de chaleur meurtrières d’ici 2100, contre 30 % aujourd’hui.
Avec AFP/france24