« Nous nous sentons un peu abandonné« , souligne Mallorie Carreau, responsable du service public d’assainissement non collectif (Spanc) sur le territoire du Grand Périgueux (Nouvelle- Aquitaine). Depuis leur création en 2012, les Spanc doivent faire face à de nombreuses difficultés dans l’exercice de leur mission, à savoir contrôler le bon fonctionnement des installations d’assainissement non collectif (ANC) chez les particuliers. Régulièrement pointé du doigt par des associations de consommateurs, les Spanc ont dû mener des opérations de communication pour essayer de se faire accepter. « Nos techniciens ont fait un gros travail de sensibilisation de terrain, pour montrer que leur travail ne consistait pas en une opération de police mais de vérifier que le système d’assainissement collectif était adapté au terrain et si l’objectif de performance et de non nuisance était bien atteint« , développe Jean Pascal, président du Syndicat des eaux du bassin de l’Ardèche.

Une mission d’information qui impose une neutralité

En contact avec les usagers, les Spanc se doivent d’être neutres en matière de conseil sur les différentes installations. « Le technicien doit transmettre toutes les informations suffisantes et nécessaires pour que l’usager fasse le bon choix mais en restant neutre et sans se substituer à un bureau d’études« , précise Sandrine Potier-Moreau, chef de service assainissement non collectif pour la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

Une récente étude de l’Irstea risque de compliquer leur approche. En cherchant à identifier l’efficacité des dispositifs d’ANC, l’étude a démontré que sur les 21 types de dispositifs étudiés, seuls cinq présentent des résultats acceptables en matière de qualité de traitement des eaux, alors qu’elles ont été agréées par l’Etat. « Nous nous sentons trahis par le système de l’agrément car les tests sur un banc d’essai ne correspondent pas forcément à ce qui est représentatif de la réalité« , soulève Mallorie Carreau. Certaines collectivités craignent ainsi que leur responsabilité soit engagée sur des projets validés par le Spanc mais qui pourraient aboutir à des dysfonctionnements dans le traitement des eaux. « La mission d’un spanc est de vérifier que le dispositif est conforme à la réglementation« , rassure toutefois Sandrine Potier-Moreau de la FNCCR.

Une autre inquiétude émerge quant à la suite de cet agrément. « Si l’Etat décide de déclasser ces systèmes, nous allons être confrontés à l’incompréhension des propriétaires, car dans ce cas lors du contrôle nous donnerons un avis négatif à un système qui auparavant était accepté« , pointe Frédérique Pfister, technicienne spanc du Syndicat des eaux du Bassin de l’Ardèche.

Vers une homogénéisation des pratiques et des compétences

Autre difficulté que le service doit dépasser : la disparité dans le fonctionnement entre les différents spanc. « Nous devons respecter les règles de l’art de l’assainissement non collectif mais chaque spanc a sa propre interprétation, il faudrait un document officiel qui puisse faire référence à des normes techniques« , estime Laurent Desmytter, responsable technique ressource en eau et animation des actions transverses du département de l’Allier. Une culture commune entre les services de l’assainissement non collectif semble donc toujours à construire. « L’hétérogénéité des pratiques constatée aujourd’hui peut s’expliquer par le fait que chaque agent n’a pas la même connaissance, note Sandrine Potier-Moreau. Il y a un turn over important dans le secteur et donc un besoin de formation important dans des domaines très variés : techniques, juridiques et social« .

Le manque de reconnaissance de la profession conduit certains à quitter le métier. Pour Jean Pascal, président du Syndicat des eaux du bassin de l’Ardèche, le salaire n’est pas hauteur de la mission : « L‘Etat n’a pas pris conscience que nous sommes loin des valorisations possibles des agents, il faudrait que les choses évoluent mais en conservant la mission de conseil avec l’indépendance que garantit le service public« .

Le financement du service en question

Des réflexions restent également à mener sur la question des différences de prix du service. « Des calculs réalisés dans le cadre du Plan d’actions national sur l’assainissement non collectif (Pananc) montre que la fourchette s’étale de 80 à 120 euros, indique Laurent Desmytter. Pour les collectivités qui pratiquent des tarifs inférieurs, nous pouvons nous demander si ce ne sont pas d’autres services qui abondent« .

La question du budget des services reste un point sensible notamment dans un contexte de réduction de celui des agences de l’eau. « Si les aides s’arrêtent pour notre bassin, nous allons devoir ajuster et peut-être augmenter les redevances, déplore Mallorie Carreau. Les territoires s’agrandissent et nous devons aller sur le terrain pour contrôler, nous ne pouvons pas réduire nos frais de route« . Pour Jean Pascal (Syndicat des eaux du bassin de l’Ardèche), la solution devra être trouvée ailleurs car « faire progresser les tarifs entraîne une augmentation des impayés« , estime-t-il.

Lu sur actu-environnement.com