La problématique de gestion des ordures à Conakry devient de plus en plus complexe et pressante, avec un impact sérieux sur la qualité de vie des populations, la santé publique, ainsi que l’environnement local. La croissance démographique galopante, le manque d’infrastructures adaptées et la faiblesse des politiques de gestion des déchets contribuent aussi à une situation d’urgence.

Dans la perspective de trouver des solutions durables et efficaces pour la gestion des déchets à Conakry, la Rédaction de Guineeminesnature.com a rencontré El hadj Mamadou Saliou Diallo, Conseiller technique principal de Guinée Écologie, membre fondateur de la structure. Avec lui, nous avons évoqué plusieurs questions liées aux défis de la gestion des ordures et les stratégies à mettre en place afin de faire de Conakry une ville ‘’qu’il fait beau de regarder’’. Le tout a été couronné par des recommandations à l’endroit des autorités guinéennes. Lisez…

Guineeminesnature : El hadj dites-nous, qu’elle est votre analyse aujourd’hui de la gestion des ordures à Conakry ?

El hadj Saliou : Personnellement, c’est un souci qu’on a toujours eu. D’abord, je dois vous dire que j’ai eu le privilège de coordonner de 1992 à 1994 la préparation du Plan National d’Action Environnementale (PNAE). Dans ce plan, il y avait tout un chapitre concernant l’assainissement. A l’époque, Conakry n’avait pas la taille que la ville connait aujourd’hui. Et la problématique était beaucoup moins crucial que maintenant, avec une démographie galopante et une construction anarchique qui n’a pas son pareil. Donc la question de gestion des ordures c’est une composante tout simplement de l’aspect assainissement de la capitale. Mais l’assainissement ne veut pas dire simplement gestion des ordures. Il y a tout le volet concernant les aménagements, les facilités, les constructions, qui permettent d’avoir une ville propre et une ville qu’il fait beau de regarder, et c’est ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Donc la gestion des ordures est un grand problème pour la ville de Conakry.

Mais il y a un grand projet concernant la question fondamentale, notamment la collecte et la gestion des ordures. Le projet est financé par l’Union Européenne qui accompagne la Guinée et qui va nous aider à avoir un centre technique qui sera construit à Kouriah et qui va permettre en aval tout ce qui se fait en amont pour pouvoir mieux gérer les ordures qui sont colletées. Ceci dit, ce projet est en train de se mettre en place. D’ici là, ce qui est préoccupant, c’est que tous les jours des milliers de tonnes d’ordures sont produites par les ménages, par les commerces, par les industries et tout cela se retrouve dans les rues. Ce qui fait que Conakry n’est pas beau à voir. C’est un problème sérieux d’éducation et de sensibilisation des ménages dans le sens d’aller vers le tri sélectif, la pré-collecte et l’organisation au niveau de chaque commune d’un système de ramassage des ordures et de leur dépôt dans les zones de transition pour leur évacuation vers le centre technique de traitement qui va être maintenant mis en place très bientôt avec plusieurs millions d’euros.

Donc nous, notre perception de la gestion des ordures, c’est d’abord que ça soit une action citoyenne, une action de conscience individuelle où chacun de nous dans son foyer éduque sa famille à gérer les ordures, parce que c’est tout à fait possible.

Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels Conakry est confrontée en matière de gestion des ordures ?

La capitale est confrontée à un défi majeur: c’est la construction anarchique. C’est une capitale qui est devenue le ‘’Grand Conakry ‘’ comme on le dit où chacun construit là où il veut sans même avoir une autorisation de construire. Donc la ville est systématiquement désorganisée, les axes pour pouvoir circuler sont impossibles. Regardez, de la banlieue vers la capitale, il n’y a que trois voies. Alors que normalement on devrait avoir une douzaine de voies à sens unique pouvant permettre effectivement d’atteindre certaines zones, et de pouvoir collecter par exemple les ordures pour les dégager, mais il y a tout un problème d’accès. Donc le premier défi c’est de repenser cette planification urbaine. Évidemment, le gouvernement est dans une situation extrêmement délicate puisque les gens ont construit partout des immeubles. Quand vous prenez par exemple Kobayah, normalement on a des tunnels mais les gens ont construit sur les collines là-bas. Donc si vous voulez percer maintenant les tunnels en bas pour faire des rues droites, vous allez faire tomber beaucoup de bâtiments qui sont en haut. Et ça c’est grave. Le gouvernement devrait pouvoir réfléchir sur la grille des routes de Conakry pour voir comment encore faire une économie, sinon on va passer sur la route aérienne… Donc la solution c’est de repenser la ville de Conakry, de voir comment les zones non construites peuvent être reprises dans les normes d’une ville où on peut respirer. C’est ça le défis majeur.

Qu’elle stratégie à mettre en place pour une gestion efficace et durable des déchets à Conakry ?

La stratégie, c’est la planification. C’est que Conakry manque de plan environnemental stratégique. Cela est différent d’un plan environnemental opérationnel. Le plan environnemental stratégique dont doit se doter la ville de Conakry, c’est un plan prévisionnel qui permet de savoir comment décider des implantations de certaines unités. Par exemple les unités industrielles ne sont pas à leur place. Aujourd’hui, les cimenteries qui sont à Conakry doivent être démontées pour être déplacées hors de la ville de Conakry, parce que c’est un danger. Vous avez vu ce qui s’est passé avec l’explosion du dépôt de carburant. Ce dépôt de carburant depuis les années 90, il était envisagé de le déplacer de la ville. Et vous avez un dépôt de gaz à côté du palais du peuple, que Dieu nous garde de l’explosion de ce dépôt de gaz…Donc il y a des décisions environnementales extrêmement importantes à prendre dans une planification stratégique de développement urbain de Conakry. Maintenant le plan opérationnel, chaque commune doit avoir son plan environnemental communal, mais il n’y en a pas. Le maire ne sait pas du tout qu’elles sont les priorités environnementales. Il ne sait que la gestion des déchets. Et l’environnement, ce n’est pas une question de gestion des déchets seulement, c’est une question cadre de vie, c’est une question d’accès aux facilités, c’est une question d’énergie, d’accès à l’eau potable, d’assainissement dans tous les ménages, c’est tout ça l’environnement. Mais s’il n’y a pas de planification jusqu’au niveau local, il y aura toujours des initiatives mais isolées dont les actions et les résultats seront très limités. Et c’est ça le défis actuels.

El hadj, vous êtes un acteur majeur dans le domaine de l’environnement, avec plusieurs décennies d’expérience. Alors qu’elles recommandations faites-vous à l’endroit des autorités guinéennes ?

Écoutez, Guinée Ecologie à 34 ans d’existence. On a créé l’organisation en 1989, et elle a été officiellement agréée le 2 janvier 1990. Le premier code de l’environnement n’avait que trois ans à l’époque. Mais nous avons eu l’opportunité d’avoir la responsabilité et la confiance de la Banque Mondiale, du Gouvernement guinéen et du PNUD d’élaborer le Plan National d’Action Environnementale. Ce plan existe mais il est temps de le ré-ouvrir, de le repenser et de le mettre à jour. Ça c’est une première recommandation. Il est temps aussi de le décentraliser. Il faut que toutes les villes de la Guinée se dotent d’un plan environnemental, c’est-à-dire pour la gestion du cadre de vie et pour permettre à l’environnement d’être beaucoup plus viable. Aujourd’hui, vous demandez à quelconque préfet s’il a un plan d’action environnementale pour sa préfecture, il ne peut pas te le montrer. Donc il faut qu’on considère l’environnement comme une priorité. Si aujourd’hui vous voulez organiser du tourisme ou l’écotourisme en Guinée, la première chose qui intéresserait le visiteur c’est de savoir si sa santé sera préservée dans un cadre de vie sécurisant. C’est vrai que le gouvernement organise chaque samedi du mois une action citoyenne, cela est très bien, c’est un bon exemple, mais à l’avenir et dans le présent, il faut déjà envisager que chaque citoyen de sa cour, aux alentours de chez lui, il se dise j’ai quand même une responsabilité, il faut que j’y arrive. Mais pour ça il faut de bons exemples. Il faut investir dans l’environnement. Aujourd’hui, l’environnement est délaissé par rapport à un budget national qui ne lui donne pas les moyens de son travail. Prenez tout ce qui concerne par exemple les activités d’assainissement, vous allez voir qu’il y a même un problème institutionnel. On ne sait pas trop qu’elle est la responsabilité au niveau centralisé et qu’elle est la responsabilité au niveau décentralisé, mais il faut clarifier tout ça par des plans d’action. Tout commence par la planification et tout finit par l’évaluation axée sur les résultats.

Votre mot de la fin ?

Si je dois dire un mot de la fin, c’est que j’ai quand même parcouru pas mal de pays à travers le monde. J’ai travaillé en Afrique au sud du Sahara et en Afrique centrale. Je travaille jusqu’à Madagascar sur les questions d’environnement. Je vois beaucoup de choses intéressantes, mais quand je reviens en Guinée d’un voyage, je vois que les gens sont très soucieux de l’environnement dans leurs pays, j’aimerais bien que nous aussi nous ayans ce souci. J’aimerais bien qu’on puisse demander aux citoyens qu’elle peut être sa contribution, quel peut être son apport dans l’amélioration du cadre de vie de l’état de l’environnement. Comment nous pouvons faire en sorte que tous les jours nous ayons le reflexe environnemental. C’est-à-dire la conscience environnementale et l’action environnementale de chacun de nous. Donc c’est cela.

Merci beaucoup El hadj

C’est moi qui vous remercie

Entretien réalisé par Younoussa Sylla, pour guineeminesnature.com
Tel : 624 36 64 35

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