Dans les vastes forêts équatoriales du nord Kivu, en passant par le Delta du Niger au Nigéria, jusqu’au cœur du Sahel Tchadien, les modèles économiques dominés par l’exploitation massive des ressources naturelles (pétroles, gaz et minéraux) s’illustrent par la défaillance et l’injustice créée par l’inégalité profonde qui caractérise les systèmes rentiers en Afrique.

Ce système qui tire ses origines de la période coloniale, est devenu de nos jours la principale architecture économique de la majeure partie des pays Africains, dont la Guinée est pleinement partie prenante depuis 2015.  Ce pays ouest africain bien doté en gisement de bauxite, dont les réserves dépassent les 40 milliards de tonnes est par ailleurs le premier exportateur de l’or rouge sur le continent (70 millions de tonne en 2019).

Cependant, l’adoption du système rentier par les décideurs guinéens comme principal levier économique, dans lequel les entreprises opérantes versent les milliards de nos francs qui viennent remplir les poches d’une élite proche du pouvoir symbolise l’aggravation des inégalités dans notre pays ainsi que la fragilité du modèle actuel de développement. Or nous savons que le basculement vers une économie rentière crée par excellence une instabilité budgétaire du principalement à la volatilité du prix des matières premières sur les marchés mondiaux. A l’évidence, cette dépendance vis-à-vis des produits de base entraîne une forte surévaluation de la monnaie qui à son tour occasionne une stigmatisation des exportations en faveur des importations.

Ainsi, dans la logique du gouvernement guinéen, la diversification de l’économie passe par l’accroissement des structures de production des matières premières, ce qui signifie plus d’octroi de permis aux compagnies privées et moins de contrainte environnementale. D’ailleurs le secteur minier a absorbé à lui seul entre 2015 et 2020, 6,2 milliards USD d’investissement directe étranger (IDE) soit 97 % du total des investissements réalisés sur la période 2011 et 2020 (Ministère des Mines de la Guinée, Décembre 2020). Cette hausse des investissements dans le domaine extractif justifie l’évolution du nombre de société en exploitation, qui était de six (06) en 2010 est passé à dix-sept (17) en 2020 (Ministère des Mines de Guinée, Décembre 2020).

Pourtant, l’impact de l’évolution des investissements et l’abondance des recettes minières (391 millions USD entre 2010 et 2020) peine à se transformer en une véritable source de création de richesse et un moyen de diversification de l’économie due à la mauvaise utilisation des fonds publics. En outre, le cadre institutionnel n’est visiblement pas favorable pour un contrôle approfondi sur la gestion des recettes tiré du secteur extractif.

Avec des successions de crise politique qui polluent sans cesse l’environnement socioéconomique et l’absence d’un véritable contre-pouvoir dans la nouvelle assemblée constituante, les attentes en matière de contrôle et de transparence sont quasi inexistantes.

Sortir de la miniature rentière

Face à une croissance démographique galopante, ainsi que l’exacerbation du phénomène climatique auxquels la guinée est confrontée, l’harmonisation de l’activité minière avec les objectifs du développement durable devient un impératif pour les pouvoirs publics, afin de réaliser la promesse de réduction de la pauvreté et de lutter sévèrement contre les inégalités à l’horizon 2030. En Guinée 62% de la population vis de l’agriculture et ce secteur constitue 32% des emplois directes du pays, or le secteur minier ne procure que 5% du total d’emploi à l’échelle nationale, d’où la nécessité d’ajuster les aides publiques aux développements en faveur du secteur agricole dont le pouvoir économique d’un nombre important de la population rurale en dépend.

En outre, d’après le ministère du plan et du développement économique, la baisse des exportations des minerais de bauxite due au ralentissement de la demande des produits minier en Chine, berceau de la pandémie de la COVID-19 a engendrée un déficit de la balance de paiement de 14,7% du PIB en 2020 contre 8,4% du PIB en 2019. Ce scénario peu enchantant interpelle les pouvoirs publics à diversifier les partenaires commerciaux de la guinée, et à créer les chaînes de valeurs visant la transformation des produits de base agricole et minier afin d’accroitre la valeur ajoutée et la création d’emploi pérenne à l’échelle nationale. Cela permettra à l’économie guinéenne d’avoir une croissance durable, et de résisté aux chocs exogènes.

L’un des éléments importants consiste également à améliorer la qualité des institutions par le renforcement du dispositif de contrôle des parlementaires et des acteurs de la société civile dans la gestion transparente des rentes tirées du secteur extractif, et réduire progressivement le poids des recettes minières dans le budget national de développement en faveurs des autres secteurs clés, notamment l’agriculture, la pêche, l’élevage et l’économie numérique etc…

En fin, mettre en place un fond intergénérationnel pour les générations futurs afin qu’ils puissent bénéficiers des fruits des gisements qui sont par nature ni durable et ni renouvelable.

Lamine SIDIBE
Spécialiste en gouvernance et gestion des impacts des activités extractives en Afrique.
mlsidibe03@gmail.com

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