Barracuda fish school in ocean

Longtemps zone de non droit, la haute mer représente près de la moitié de la surface de la Terre. Elle va enfin faire l’objet d’un traité juridiquement contraignant à l’issue de quatre sessions de négociations qui se termineront en 2020.

Après plus d’une décennie de discussions au sein de l’ONU, la conférence intergouvernementale (CIG) de deux semaines qui s’ouvre le 4 septembre 2018 est la première d’une série de quatre sessions qui se tiendront jusqu’en 2020 dans le but de conclure un nouveau traité juridiquement contraignant. Celui-ci a pour objet de protéger la biodiversité marine dans les zones extraterritoriales, désignées par le terme de haute mer, qui représentent près de la moitié de la surface de la Terre. Il s’agit des zones de l’océan situées au-delà de 200 milles marins (370 kilomètres) des côtes d’un pays. Celles-ci sont considérées comme des eaux internationales et sont partagées par tous et ne sont actuellement régies par aucune loi qui en protégerait la biodiversité ou qui préserverait le rôle essentiel des services qu’elle fournit – comme la production d’oxygène et la régulation climatique.

Une route semée d’embûches

Comme le souligne une note de l’Iddri récemment publiée, négocier un traité sur la haute mer est une route semée d’embûches.

C’est en 2004 que l’Assemblée générale des Nations unies a créé un groupe de travail informel chargé d’étudier les questions relatives à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine au-delà des zones de juridiction nationale. Les discussions au sein du groupe de travail dit BBNJ ( »biodiversity beyond national jurisdiction working group ») ont porté sur les faiblesses et les lacunes du cadre international actuel et sur la nécessité d’adopter un nouvel instrument.

Le clivage idéologique sur le statut juridique des ressources marines en haute mer est devenu déterminant lors des réunions du groupe de travail. Le G77, rejoint par la Chine, a plaidé pour l’application du principe de l’héritage commun de l’humanité aux ressources génétiques dans ces zones extraterritoriales. Ces Etats ont fait valoir que les avantages découlant de l’exploitation de ces ressources devraient être partagés entre tous les pays. Certains autres pays s’opposent fermement à cette position, affirmant que l’accès et l’exploitation de la biodiversité océanique relève de la liberté de la haute mer.

Les discussions de 2011 ont été presque entièrement consacrées à un éventuel accord multilatéral au titre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer portant sur la conservation et l’utilisation durable de biodiversité marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales. Pour la première fois, une position commune a été atteinte à la suite d’un compromis entre l’UE, le groupe G77 / Chine et le Mexique. Ces pays ont été rejoints par d’autres Etats favorables à la possibilité de négocier un nouvel accord, tels que l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ils ont accepté de travailler à la mise en place d’un processus de négociation sur un  »package deal » qui  »aborderait la conservation et la durabilité de l’utilisation de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des frontières nationales ».

Vers un consensus international

En 2012, le sommet de Rio+20 a donné un nouveau souffle aux négociations avec l’adoption d’un premier jet d’accord sous l’impulsion de nombreux Etats et de l’Union européenne. Les réunions consécutives du groupe BBNJ ont vu un certain nombre de régions déclarer leur soutien à l’ouverture des négociations : l’Union africaine, la Communauté des Caraïbes (Caricom) et les Etats du Pacifique, soutenus par l’Union européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Malgré ses clivages internes, le groupe du G77 et de la Chine a présenté un front unifié sur le fait que le statu quo n’était pas acceptable et qu’un nouvel accord était essentiel pour l’équité et la durabilité de l’utilisation des ressources marines.

Seul un petit nombre d’Etats se sont révélés réticents au projet de traité international : le Japon, les Etats-Unis, la Russie, la Corée du Sud et l’Islande. Le désaccord le plus marquant a porté sur les ressources marines : celles-ci relèvent-elles du patrimoine de l’humanité ou de la liberté d’exploiter la haute mer ? Pour contourner l’impasse, certains Etats ont proposé une approche pragmatique centrée sur l’élaboration d’un mécanisme concret de partage des avantages fondé sur des principes équitables.

Le 24 décembre 2017, l’Assemblée générale des Nations unies annonçait l’ouverture d’une conférence intergouvernementale pour l’élaboration d’un instrument juridique sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les espaces océaniques situés au-delà des juridictions nationales. Une réunion d’organisation a eu lieu à New York du 16 au 18 avril 2018. Rena Lee, ambassadrice pour les questions relatives aux océans et au droit de la mer et envoyée spécial du ministre des affaires étrangères de Singapour, a été élu présidente de la Conférence intergouvernementale (IGC).

Des enjeux cruciaux pour l’avenir de l’humanité

Dès ce mardi 4 septembre, dans le cadre de l’ONU, les Etats discuteront des modalités de protection et de conservation de la haute mer en établissant des aires marines protégées et des évaluations de l’impact des activités en haute mer sur l’environnement. L’enjeu du partage des avantages est crucial dans la mesure où les ressources génétiques marines sont susceptibles de contribuer au développement de nouveaux médicaments.

 »L’actuel système de gouvernance de la haute mer est faible, fragmenté et inadapté pour répondre aux menaces qui pèsent désormais sur nous au XXIème siècle liées au changement climatique, à la pêche illicite et la surpêche, à la pollution plastique et à la perte des habitats. Il s’agit là d’une occasion historique de protéger la biodiversité et les fonctions de la haute mer par des engagements juridiquement contraignants », déclare Peggy Kalas, coordinatrice de la High Seas Alliance, un partenariat constitué de plus de quarante organisations non gouvernementales et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Source : actu-environnement.com