« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans le tien ?
(…)
Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. » Matthieu 7:3-5
L’expression « diplomatie de la dette » – signifiant que la Chine renforce son influence sur les autres Nations, en les obligeant délibérément à prendre plus de dettes qu’elles ne peuvent en supporter – a été inventée dans un rapport commandé par le département d’État américain en mai 2018 et écrit par Sam Parker, du Centre Robert et Renée Belfer pour la science et les affaires internationales de la Harvard Kennedy School. Ce rapport a ensuite été utilisé par le Département d’État des États-Unis pour sonner l’alarme dans le monde entier au sujet de l’impact potentiel de l’initiative chinoise « Une ceinture, une route » (Nouvelles Routes de la soie).
Historiquement, c’est l’Empire britannique qui a été (et est toujours) maître dans le domaine du piège de la dette. Ses méthodes ont été reproduites après 1971, durant l’ère post Bretton Woods, par des institutions contrôlées par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Europe, telles que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Ainsi, en les soumettant à des dettes à forts taux d’intérêts et impayables, ces institutions ont rendu esclaves un grand nombre de nations, dans le but de les piller, de détruire leurs capacités de production et de les obliger finalement à abandonner leur souveraineté.
Le storytelling du « piège de la dette » de la Chine
Un aspect étonnant du narrative de la « diplomatie du piège de la dette » par la Chine est l’absence totale de preuves. Ainsi, parmi les affirmations des journalistes, des réalisateurs de reportages contre la Chine et autres auteurs de rapports académiques, aucune ne résiste à un examen sérieux. Les faits démontrent plutôt le contraire. Par exemple, des recherches bien documentées effectuées par l’Initiative de recherche sino-africaine à la Faculté des Hautes Etudes Internationales (SAIS-CARI) de l’Université John Hopkins révèlent que la plus grande partie de la dette africaine n’est pas détenue par la Chine mais bien par des institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale.
Ce document fait état de 133 milliards de dollars d’engagements de prêts chinois en Afrique sur la période 2000-2016 – avec un très gros montant de 30 milliards de dollars en 2016, après la réunion du Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC) de 2015 à Johannesburg. Si de nombreux pays africains ont une dette chinoise, seuls trois pays (Djibouti, la République du Congo et la Zambie) ont pour plus gros « créancier » la Chine.
Dans une interview avec l’édition japonaise du Nikkei Asian Review, le ministre des Affaires étrangères de Djibouti, Mahmoud Ali Youssouf, a déclaré que s’il fallait se méfier de l’accroissement des dettes de Djibouti du fait des investissements chinois, son pays entendait bien aider à promouvoir l’Initiative « Une ceinture, une route » de la Chine. Il a déclaré : « Si [l’Initiative] apporte richesse, progrès et développement, nous nous en félicitons. »
S’adressant aux journalistes en marge du tout récent FOCAC à Beijing le 5 septembre 2018 et face à la propagande occidentale selon laquelle la Chine endette l’Afrique, le président de la Banque africaine de développement (BAD), le Dr Akinwumi Adesina, a quant à lui déclaré :
« Soyons très clairs, l’Afrique n’a absolument aucune crise de la dette, les pays cherchent désespérément des infrastructures (…) La population augmente, l’urbanisation est là et la marge budgétaire est très réduite », a déclaré le patron l’institution financière, ajoutant : « Ils s’endettent beaucoup, mais de la bonne manière. » (1) Si le Dr Akinwumi Adesina a rappelé que pour l’ensemble de l’Afrique, le rapport de la dette par rapport au PIB était passé de 22 % en 2010 à 37 % l’année dernière, il a toute de même souligné que ce ratio était nettement inférieur aux 100 ou 150 % des pays à hauts revenus et aux 50 % des pays émergents.
Par ailleurs, si les prêts et les investissements directs étrangers (IDE) de la Chine en Afrique sont inférieurs à ceux des institutions occidentales, ils sont davantage orientés vers la construction d’infrastructures, vers l’industrie et l’agriculture, tandis que les investissements occidentaux le sont, pour leur part, principalement vers les services miniers et financiers.
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