Avec le départ de Nicolas Hulot, les appels et les marches pour « sauver la planète » se multiplient. Pour Dominique Bidou, consultant et président d’honneur du CIDB, il faut surtout donner envie d’un changement de société avec une bonne dose de marketing.

Dans son propos à la radio où il annonçait son départ, Nicolas Hulot avouait n’avoir pas su trouver au gouvernement et aussi dans la société française, les soutiens dont il avait besoin pour mettre en place une politique ambitieuse. « Tout le monde s’en fiche« , avait-il dit à l’Assemblée nationale, en parlant de la loi sur la biodiversité qu’il présentait. C’est sans doute sur cette réflexion qu’il faut s’arrêter pour envisager l’avenir de ce ministère, et non sur des analyses contradictoires des volontés présidentielles.

Donner envie du développement durable

L’impuissance dont Nicolas Hulot se plaint ne tient pas, en effet, à la position de l’écologie dans le panthéon gouvernemental, mais à son positionnement stratégique. « L’appel des 200 personnalités pour sauver la planète », tout sympathique soit-il, montre que le message a du mal à passer. Il se situe dans la suite de la ligne suivie par Nicolas Hulot, alors même que ce dernier avoue son échec. Il s’agit encore de mettre au cœur du discours la sauvegarde de la planète, la lutte contre un cataclysme, et d’appeler si nécessaire à des mesures impopulaires. C’est donc d’en haut que le salut doit venir, de l’Etat, contre les citoyens s’il le faut. Bravo, voilà une politique de l’échec parfaitement définie, et ce malgré le constat que Nicolas Hulot avait tiré de son passage à la tête du ministère.

La vraie question est de donner envie de ce changement de société appelé de ses vœux par Nicolas Hulot. Les politiques et les gouvernements sont parfois sensibles aux fameux lobbys, mais ils le sont surtout à l’opinion, aux souhaits et aux attentes exprimés, à l’aptitude et l’appétence des populations à prendre en charge les transformations proposées. Donner envie du développement durable est un positionnement politique bien plus important que de l’imposer en répétant les alertes multiples, même si elles sont justifiées. Et il faut bien constater que l’environnement n’est pas perçu par les Français d’un œil très sympathique. Il est présenté de plus en plus comme une réaction aux catastrophes annoncées, avec un lot de contraintes de toutes natures. Dans un tel contexte, c’est l’obligation morale qui est mise en avant plutôt que le côté « bien-être ». Jadis au cœur des actions du ministère de l’environnement, la qualité de la vie a disparu des discours, qualité de la vie qui a même un temps donné son nom au ministère.

La qualité de la vie comme moteur de la transition

Une politique du développement durable doit jouer sur plusieurs tableaux, « en même temps » sur les enjeux de long terme et sur la vie quotidienne. La qualité de la vie comme moteur de la transition, voilà un positionnement à reprendre avec détermination. C’est la meilleure manière de mobiliser le plus grand nombre. Les études d’opinion le disent, les Français ont bien compris que le dérèglement climatique est la question d’environnement la plus importante, mais quand la question est posée plus finement, en faisant référence à leurs intérêts directs, c’est la lutte contre le bruit qui apparait en premier. La rénovation thermique des bâtiments fait l’objet d’efforts considérables, mais elle a du mal à décoller. Alors que l’amélioration de l’habitat, via une rénovation globale dont nos logements ont bien besoin et qui profiterait immédiatement aux Français, serait bien plus populaire et progresserait pus rapidement. Les « experts » ont souvent la tendance à se concentrer sur leur sujet de prédilection, et à négliger les aspirations et les envies des Français, soumis à de nombreuses contraintes, à de nombreuses sollicitations. Un peu de marketing ne ferait pas de mal pour définir des politiques du développement durable.

Construire des politiques alliant l’immédiat et le long terme

On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif dit la sagesse populaire. Il faut bien reconnaître que la politique de l’environnement a oublié cette maxime, avec une vision étatique et centralisée qui n’est plus de mise aujourd’hui. Il y a de nombreuses approches, telles la question du bruit et l’amélioration de l’habitat, qui permettent de construire des politiques alliant l’immédiat et le long terme, la qualité de la vie et la planète. L’alimentation, les paysages, les circuits courts, l’économie collaborative, etc.

Puisse le nouveau départ du ministère conduire à une nouvelle posture sinon une nouvelle stratégie fondée sur l’envie du développement durable, perçu comme un réel progrès, et non sur une « ardente obligation » qui ne suscite qu’une adhésion superficielle, même s’il s’agit du « plus grand défi de l’histoire de l’humanité ».

Lu sur actu-environnement.com