James Hansen, l’un des spécialistes du climat les plus réputés au monde, trouve décourageant que près de 40 ans d’études et de mises en garde n’aient pu convaincre l’humanité de s’attaquer véritablement à la crise climatique. Mais il comprend les raisons de cette inertie.

« Tant que la population aura l’impression que les carburants fossiles constituent les formes d’énergie les moins coûteuses, elle continuera à les utiliser, a récemment affirmé Hansen à Bob McDonald dans le cadre de l’émission Quirks and Quarks à CBC Radio. Nous nous heurtons à une industrie qui préfère le statu quo, car elle gagne beaucoup d’argent. » Sa solution : faire en sorte que le prix des carburants fossiles reflète leur véritable coût pour la société.

Ancien scientifique de la NASA, Hansen est aujourd’hui directeur du programme de sensibilisation et de solution aux changements climatiques du Columbia University Earth Institute. Il étudie les sciences climatiques depuis le début des années 1980. En 1988, il a témoigné devant un comité sénatorial américain, soutenant que le réchauffement de la planète était causé par les émissions de gaz à effet de serre, en grande partie attribuables à la combustion des carburants fossiles.

Comment s’assurer que le prix des carburants fossiles inclut les coûts de la pollution, de la détérioration de l’environnement et du dérèglement ? Selon Hansen et la plupart des scientifiques, économistes et spécialistes des questions énergétiques, la façon la plus simple est de fixer un prix sur les émissions de carbone. Andrew Leach, économiste de l’University of Alberta, soutient que « la tarification du carbone donne au marché les moyens de promouvoir la réduction des émissions à des coûts minimaux ».

La tarification du carbone, par le biais d’une taxe sur le carbone ou d’un système de plafonnement et d’échange de droit d’émission, a démontré son efficacité. La Suède a imposé une taxe sur le carbone en 1991. Même si le prix a augmenté progressivement — passant d’environ 37 $ CA la tonne de CO2 en 1991 à 170 $ en 2018 — les émissions de dioxyde de carbone ont diminué de 26 pour cent sans affecter l’économie, et cela malgré une croissance de la population. Dans d’autres pays scandinaves, la tarification est considérée comme une solution raisonnable qui fait rarement l’objet de débats ou de couverture médiatique. De fait, il s’agit d’une solution efficace comme sont en voie de le constater les quelque 46 pays qui se sont dotés d’une politique de tarification du carbone.

La taxe sur le carbone constitue la forme de tarification la plus simple, bien que le terme « taxe » hérisse certains de ses opposants. Il s’agit de frais, souvent soumis à une hausse annuelle, imposés sur la production et la consommation de carburants fossiles, et qui sont fondés sur les émissions polluantes de carbone. En rendant plus coûteuse la consommation de carburants fossiles, pour qu’elle reflète mieux ses coûts pour la société, les gouvernements contribuent à leur conservation, en plus de promouvoir des solutions de rechange plus efficaces et plus propres. De nombreux pays offrent des remises ou des réductions sur d’autres taxes, de manière à cibler les émissions de carbone sans créer une nouvelle charge pour la plupart des citoyens.

Dans le cas d’un système de plafonnement et d’échange de droit d’émission, le gouvernement plafonne les émissions de gaz à effet de serre que peut produire une industrie ou l’ensemble du secteur économique. Il vend ensuite aux enchères des droits d’émissions, dont les revenus sont investis dans l’économie propre. Les entreprises qui dépassent la limite peuvent acheter des droits d’émissions à celles qui se maintiennent sous le plafond d’émissions ou encore participer aux enchères. Le plafond est abaissé tous les ans, ce qui entraîne une diminution des émissions totales.

Dans les deux systèmes, plus une entreprise pollue, plus elle paie. Bien que les opinions divergent sur la meilleure façon de tarifer le carbone, sur l’importance du prix à payer et sur l’utilisation des sommes ainsi recueillies, nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. Le coût des changements climatiques augmente — qu’il suffise de penser aux inondations, aux épisodes de sécheresse, aux frais de santé et à la dégradation des milieux naturels essentiels — et continuera grimper si nous n’agissons pas.

Au Canada, la plupart des gens savent que les changements climatiques représentent un problème urgent, causé par la race humaine et contre lequel il nous faut lutter. Un récent sondage a révélé que près de 80 pour cent de la population approuvent la tarification du carbone, et plus de 80 pour cent d’entre eux vivent déjà dans une province soumise à une certaine forme de tarification.

En vertu du plan du gouvernement fédéral, les provinces peuvent mettre en place leur propre système, à condition qu’il permette d’attendre les objectifs généraux de réduction des émissions. Les provinces et territoires qui n’adoptent pas un système se verront imposer un système de tarification du carbone.

Les solutions au réchauffement de la planète sont nombreuses. La tarification du carbone en est une. Grâce à ce système, le Canada pourrait se tailler une place dans l’économie propre émergente et, ainsi, favoriser la création d’emplois, le développement d’énergies renouvelables, la préservation et l’efficacité énergétiques, tout en tournant le dos aux carburants fossiles.

Hansen est d’avis que la tarification du carbone pourrait sauver notre civilisation, donnant ainsi un sens nouveau à l’expression « Les taxes sont le prix à payer pour une société civilisée ». Plus les gens seront nombreux à comprendre l’urgence de s’attaquer aux changements climatiques et l’efficacité de la tarification du carbone, plus ils trouveront de nombreuses raisons de la soutenir.

Traduction : Monique Joly et Michel Lopez

Crédit photo: Foto-Rabe via Pixabay

Lu sur mediaterre