Madame Sidibé Sanaba Kaba, l’ex-Ministre de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance, a accordé un entretien à notre rédaction. Au cours cet entretien, nous avons évoqué avec elle les défis et les perspectives pour les femmes à l’occasion de ce mois de mars. Par la même occasion, elle a rendu un vibrant hommage au Président de la République, le Pr. Alpha Condé pour ses efforts en faveur de l’autonomisation des femmes, à travers notamment la création des MUFFA et plusieurs d’activités génératrices de revenus. On vous propose de lire ci-dessous l’intégralité de l’entretien.

Bonjour Madame !

Bonjour !

Présentez-vous, s’il vous plait ?

Je suis Madame Sidibé Sanaba Kaba, ancienne Ministre de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance. Présentement, je suis membre du Conseil d’Administration de la Banque Centrale de la République de Guinée.

Dites-nous Madame, que représente pour vous le mois de Mars consacré à la promotion des droits des femmes ?

Le mois de mars consacré à la femme est un mois de fierté pour moi.  Ce mois tire sa légitimité de la revendication des travailleuses d’une unité industrielle de textile de Chicago depuis 1857. Cela fait aujourd’hui plus de 160 ans que le mois de mars est consacré à la femme. Donc il représente pour moi un mois de bilan, mais aussi un mois de défis et de  décision.

D’aucuns pensent que le droit des femmes n’est pas suffisamment respecté en Guinée. Quel commentaire faites-vous ?

Dire que le droit de la femme n’est pas  suffisamment respecté en Guinée, moi je pense que c’est une allégation. Chacun a sa responsabilité. Quand l’engagement vient du sommet de l’Etat, je pense qu’il n’y a pas de commentaire à faire. Tout le monde a suivi le Président de la République sur  les différentes préoccupations des femmes. Le 08 mars passé tout le monde l’a entendu que quiconque battra sa femme sera devant les juridictions pour être jugé et condamné. Et tout le monde l’a écouté aussi quand il parlait de ses engagements par rapport à la scolarisation de la jeune fille. Vous n’êtes pas sans savoir que la Guinée est un pays qui a plus de 90% musulmans. Dans un tel pays, parler de mutilation génitale féminine et de mariage précoce, je crois que c’est un grand courage  de la part du Président de la République. Donc pour moi, dire que le droit de la femme n’est pas suffisamment respecté en Guinée ne trouve pas sa place dans le contexte actuel guinéen. Le  président a dédié son mandat aux jeunes et aux femmes, je pense que c’est un message très fort. Quand on dédie son mandat à une entité, la première des choses à faire pour cette entité, c’est de l’aider à avoir tous ses droits.  Parce que quel que soit ce que nous avons, si n’avons pas nos droits respectés, nous ne sommes pas protégés. Au-delà de ça, le président a dit encore que la liberté des femmes ne peut pas être possible si elles ne sont pas économiquement libres.  C’est ce qui l’a poussé à créer les MUFFA pour accompagner les femmes dans tous les domaines. Et nommer beaucoup de femmes dans les instances de décision. Pour cela je pense que le droit des femmes est respecté bel et bien dans notre pays.

Le président accompagne aussi les femmes à travers les activités agricoles. Quelle analyse faites-vous ?

C’est le premier magistrat du pays. S’il en fait un défi, je pense que l’espoir est permis. Il en parle partout. Et je pense que ce n’est pas un simple slogan, c’est une réalité. Parce qu’il est sur la lancée.  S’il accompagne le fonio aujourd’hui, je pense qu’il allège la charge des femmes. Il a créé des rizières, il amène beaucoup d’équipements et des intrants agricoles. Tout cela c’est pour accompagner les femmes. Il y a aujourd’hui les plateformes multifonctionnelles qui sont en train d’être créées dans notre pays pour que ce que les femmes font en 30 minutes qu’elles le fassent en moins de 10 mn.  C’est pour la diminution de l’effort physique qui pouvait considérablement jouer sur leur santé.

Au regard de tout cela, qu’est-ce que vous pouvez demander au Président de la République à renforcer ses actions envers les femmes ?

Je pense que le président ne manque d’engagement, de stratégie et d’opportunité à l’endroit des femmes. Les MUFFA ont été créés, et les femmes ont commencé à prendre l’argent. Le taux de remboursement est exceptionnel sur le continent. D’aucuns pensaient les MUFFA c’était un feu de paille. Et ça nous fait près de cinq ans que nous les avons créées sur tout le territoire national, le résultat est impeccable. Ce que je vais demander au Président de la République, c’est de démembrer les MUFFA jusqu’au niveau des sous-préfectures pour que l’accès soit facile à toutes les femmes. Pour qu’elles puissent bénéficier de ce privilège d’augmenter et d’améliorer leurs activités génératrices de revenus.

Lors de la célébration du 8 mars, le Président avait menacé de sanctionner tout commerçant qui serait pris en train de vendre le texte guinéen.  Quelle analyse faites-vous ?

D’abord, quand j’entends parler du textile guinéen, je me sens la plus heureuse. En 2017, pour la célébration du 08 mars, j’ai exigé à ce que toutes les femmes soient habillées en textile. Aujourd’hui, le bilan du Président par rapport aux femmes, on ne finira pas les citer. Nous avons à nos jours 20 centres d’autonomisation des femmes. Des centres de qualité et impeccables. Et dans ces centres, on ne fait que de la teinture, de la saponification, de l’art culinaire, de l’alphabétisation, de l’éducation sexuelle, de la planification familiale. Si on dit aujourd’hui que le textile guinéen doit être valorisé et que le Président à lancer cet appel, moi je ne peux qu’être heureuse. Parce que j’ai dit que personne ne doit porter une autre tenue sauf le textile. J’étais confrontée à beaucoup de difficultés parce que certains tiraient leur intérêt dans ça, et ces intérêts on ne voyait pas l’impact. On pouvait dépenser près d’un milliard dans le pagne pour faire habiller les femmes, non seulement la qualité n’y était pas et c’était des pagnes importés. Économiquement, ça ne reflétait pas quelque chose d’impact sur notre économie nationale. Mais si c’est les femmes elles-mêmes qui payent les bazins qui font la teinture, ça leur permet de générer des revenus. Ce sont ces pagnes-là qui sont valorisés. Donc je pense que c’était une manière de faire une plus-value sur l’économie nationale. Si le Président est revenu sur la même décision pour dire que c’est le textile guinéen, moi je me réjouis et je pense que c’est une très bonne politique. Je suis allée jusqu’à dire que si chaque femme guinéenne payait un pagne indigo par an, l’impact de cela pouvait avoir sur l’économie guinéenne, notamment sur l’amélioration des conditions de vie et de travail de toutes les femmes qui s’investissent dans ce travail. Et n’oubliez pas que la teinture a été apprise en Guinée par les maliennes. Aujourd’hui, elles sont réputées dans ça sur le continent. Les femmes quittent partout pour aller à Bamako pour se ravitailler. Et si c’est sur cette lancée que le Président de la République est en train de ramener les femmes guinéennes, je pense qu’on pourra concurrencer la République du Mali dans un proche avenir.

Nous sommes pratiquement à la fin du mois de mars 2019. Quel conseil avez-vous à donner aux femmes guinéennes?

Rien ne peut aller sans la paix, sans l’entente et sans l’unité nationale. Je souhaite qu’il y ait une harmonie entre les femmes guinéennes. On dit que l’association entre les femmes est difficile. Mais moi je trouve le contraire. J’ai été ministre, dans mon cabinet, vous pouvez aller vérifier, plus de 80% étaient des femmes. Et dans toutes les directions, il y avait soit une femme et un homme, soit deux femmes. J’ai fait quatre ans à la tête du département, je pense que ça s’est passé merveilleusement. Rien n’a favorisé que la paix, l’entente, la compréhension et l’amour pour les unes et pour les autres. Donc ce que je souhaite pour les femmes, qu’on s’aime, qu’on se comprenne, que l’amour mutuelle existe entre nous. Et qu’on mette la Guinée au-dessus de tout, c’est le seul bien commun que nous avons tous. Si ça marche, nous sommes les premières bénéficiaires. Parce que si ce n’est pas notre mari, c’est notre fils. Je pense que la paix et l’unité nationale, c’est la meilleure solution pour tous. Au-delà de ça, je veux voir encore plus de femmes dans les instances de décisions, au sommet de l’Etat. Parce qu’elles ont fait des preuves. Je pense que la femme guinéenne est une fierté, elles peuvent donner encore plus si elles sont responsabilisées. Je demande au Président de la République de continuer de faire confiance en la femme. Et aux femmes de continuer de se donner la main.

Pendant quatre années, vous engagée dans la lutte contre les viols et les violences contre les jeunes filles. Aujourd’hui, quelle est votre position ?

Ma position reste la même. Vous savez, quand tu te bats pour quelque chose au moment où tu as la décision, c’est quand tu n’as pas la décision que tu peux abandonner. Et moi je suis plus engagée aujourd’hui qu’hier. Et je suis prête encore à continuer à me battre. C’est pourquoi la dernière fois quand j’ai vu qu’une fille de treize ans s’était mariée, j’ai automatiquement fait une réaction. Parce que le combat ce n’est pas parce qu’on est ministre ou qu’on est directrice qu’on doit se battre, on doit se battre parce qu’on est femme. Donc c’est le même combat qui continue. Tant que je vis, je respire, je me battrais pour le respect des droits des femmes dans ce pays et dans le monde entier.

Par quelle stratégie comptez-vous mener ce combat ?

Par plusieurs stratégies. La sensibilisation est un moyen. La communication est un autre moyen. Donc à chaque fois que c’est possible de causer je cause. Et à chaque fois que c’est possible d’intervenir dans une activité j’interviens. Il y a plusieurs organisation qui existent avec lesquelles je travaillais quand j’étais ministre. Je reste toujours en contact avec ces organisations. Et dans l’avenir, je compte créer une organisation de la société civile, une ONG qui aura pour objectif uniquement que la défense des droits de la petite fille.

En Guinée, les femmes sont confrontées à de nombreux défis. On peut citer en exemple la charge de la famille, l’éducation des enfants, et la recherche du quotidien. Quel commentaire faites-vous ?

La liberté économique qu’il faut recherche pour les femmes. Si dans la famille chacun apporte un peu, je pense que la charge de la famille ne posera pas de problème. Et cela doit commencer par l’éducation.  Que les parents mettent d’abord l’éducation des filles au premier plan, au lieu de mettre l’exploitation des enfants au premier plan. Quand je vois aujourd’hui les milliers de filles avec les plateaux sur  la tête toute la journée en train d’errer pour vendre de l’eau glacée ou des cacahouètes, ça me fait mal.  Les parents doivent penser à l’avenir de ces filles. Il faut scolariser les filles. Si on regarde aujourd’hui, le taux de scolarisation a considérablement augmenté. Mais le taux de maintien des filles à l’école reste encore un grand problème. Il faut que les filles aient une grande qualification, une formation et un diplôme avant de penser au problème de  mariage de la petite fille. La fille qui devient demain la mère. Celles qui ne veulent pas aller à l’école, il y a des centres de formation, des centres d’autonomisation. Il y a pleines de choses que les filles peuvent faire. J’ai vu beaucoup de reportage où des filles font des métiers qui sont uniquement réservés aux hommes. Je connais une fille à Dabola qui fait la pneumatique. Quand tu l’as vois démonter les pneus d’une voiture, mettre de l’air et monter ça sur une voiture, c’est magnifique. Donc tout ce que l’homme peut faire, la femme peut le faire. L’inégalité vient des familles. Les parents qui ont le premier rôle à jouer. Dans les familles, souvent le matin on réveille la fille pour aller puiser de l’eau, pendant que le garçon dort. Et quand il est temps d’aller à l’école, on réveille le garçon, on met les deux ensemble pour aller à l’école. L’autre vient décontracter, à l’aise. L’autre vient fatiguée, angoissée. Est-ce que les deux peuvent donner le même niveau en classe ? Ce n’est pas possible. Tant vaut le garçon, tant vaut la fille. Il faut que les parents comprennent qu’on doit traiter les enfants sur le même pied d’égalité.  Donc je demande aux parents de respecter le droit des petites filles, de leur donner tout le temps nécessaire pour leur encadrement. L’encadrement ce n’est pas seulement l’école même la création pour la fille peut contribuer à sa faculté intellectuelle. Plus on laisse la fille s’épanouir, plus elle peut être rentable pour la famille et pour  la nation dans le futur.

La question d’équité revient toujours dans les débats. Qu’en dites-vous ?

Par rapport à la question d’équité, je souhaite qu’on traite tous les êtres de la même façon. Les hommes naissent égaux, c’est la nature qui crée la différence. Nous naissons de la même manière. Et si on nous laisse évoluer de la même manière, je crois que nous avons les mêmes chances de réussir. Le gouvernement a fait beaucoup de choses. Aujourd’hui dans tous les départements ministériels, il y a une cellule genre et équité. C’était un simple point focal. Aujourd’hui dans la nomenclature dans les organisations des départements ministériels, il y a genre et équité. Donc, je pense que c’est pragmatique. Si on commence depuis dans les familles, les garçons traités de la même manière que les filles, le même accompagnement dans les écoles, dans les universités et au niveau des structures étatiques, je pense que psychologiquement  ça peut faire un déclic mental dans le traitement des personnes dans tous les domaines. Donc genre et équité, si nous voulons un épanouissement des femmes, nous devons traiter les femmes et les hommes de la même manière. Les femmes sont 52% de la population. Si elles sont marginalisées, c’est une perte pour la nation. Si elles sont valorisées, c’est une masse critique, c’est la démographie. Donc ça peut apporter beaucoup plus encore pour le développement de notre pays.

Pour terminer, quel appel lancez-vous à l’endroit des femmes guinéennes en particulier, et celles d’Afrique en général.

Ce que je peux dire aux femmes, particulièrement aux femmes guinéennes, c’est de ne pas se sous-estimer dans la mesure où le chef de l’Etat, le premier magistrat de notre pays, nous fait confiance.  Ça doit nous renforcer davantage dans notre position. Ça doit nous donner le courage de nous battre, de nous édifier et créer beaucoup plus de solidarité pour apporter ce que nous pouvons apporter dans le développement de notre  pays. Sur le plan continental, le panafricanisme oblige. Je demande à l’Afrique de continuer de considérer les femmes telles que les femmes ont été considérées depuis l’indépendance. Même si on a raté par miracle la première histoire comme disait quelqu’un dans une émission, qu’on ne parle que des pères de l’indépendance et non des mères de l’indépendance, pour que nous ayons les mères de la démocratie dans notre pays. Que chacune en ce qui la concerne essaie d’apporter ce qu’elle peut apporter pour l’édification de notre nation démocratique.

Merci Madame ?

Je vous remercie

Entretien réalisé par Younoussa Sylla, pour guineeminesnature.com

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