Alors que la Guinée s’engage dans la voie d’une agriculture durable, ACORD-Guinée et ses partenaires multiplient les initiatives pour renforcer les capacités des producteurs, promouvoir les semences paysannes et encourager le dialogue entre les acteurs ruraux, l’État et le secteur privé. À l’occasion d’un atelier national tenu à Kindia, Macky Bah, directeur exécutif d’ACORD-Guinée, est revenu sur les enjeux, les acquis et les perspectives de la transition agroécologique dans le pays.
Dans un contexte où la Guinée cherche à concilier sécurité alimentaire, durabilité environnementale et résilience climatique, la transition agroécologique apparaît comme une voie incontournable. L’un des piliers de cette transition réside dans l’autonomie des producteurs, notamment à travers la maîtrise des semences paysannes, des biofertilisants et autres produits naturels comme les biostimulants et bioprotecteurs.
C’est dans cette optique qu’ACORD-Guinée et la Confédération nationale des organisations paysannes de Guinée (CNOP-G) ont organisé, à Kindia, les 31 octobre et 1er novembre 2025, un atelier national de formation combiné à la Journée nationale de valorisation des semences paysannes et des produits agroécologiques locaux.
L’événement a bénéficié de l’appui technique et financier du CCFD-Terre Solidaire et de la COPAGEN, et a réuni une quarantaine d’acteurs issus du monde paysan, de la recherche, de la jeunesse engagée et de la société civile.

Pour Macky Bah, directeur exécutif d’ACORD-Guinée, cette initiative s’inscrit dans la continuité d’un long processus de renforcement des capacités des producteurs, amorcé depuis plusieurs années. « Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer pour relater un peu le parcours que nous avons pu faire depuis trois à quatre ans », introduit-il avec humilité.
Revenant sur l’esprit de cette rencontre, Macky Bah explique que l’événement a été conçu comme un espace d’échanges et de capitalisation des savoirs locaux. Trois grandes activités ont été menées dans le cadre d’un seul rendez-vous, symbolisant la diversité et la complémentarité des approches agroécologiques en Guinée.
« Trois activités ont été mises en place à travers un seul événement que nous avons appelé “événement de partage de savoirs locaux”. La première journée concernait surtout les échanges inter-paysans que nous accompagnons dans les quatre régions naturelles du pays », confie-t-il.
Selon lui, ces échanges ont permis de faire le lien entre les expérimentations de terrain et les politiques de développement agricole. « Nous avons à ce jour trois champs écoles : à Dubréka, Kankan et Sérédou, qui expérimentent de nouvelles techniques favorisant la transition vers l’agroécologie », explique-t-il, avant d’ajouter que ces initiatives bénéficient d’un appui du CCFD-Terre Solidaire.
Ces champs écoles servent de véritables laboratoires vivants où les producteurs testent des méthodes innovantes, échangent des semences et valorisent le patrimoine semencier local. « Il s’agissait que chacun vienne avec ses semences paysannes pour montrer la diversité de ce patrimoine guinéen et voir comment les organisations pouvaient échanger entre elles ces différentes variétés. Cet appui a été rendu possible grâce à la COPAGEN et à l’IRPAD », poursuit-il.
Au-delà de la promotion des semences locales, l’atelier a aussi permis d’aborder une question cruciale : le dialogue entre les acteurs du monde rural, les institutions publiques et le secteur privé.
Pour ACORD-Guinée, la transition agroécologique ne peut réussir que si tous les maillons de la chaîne, des producteurs aux décideurs, travaillent en synergie. « Aujourd’hui, il y a vraiment un besoin de développer un dialogue entre les organisations paysannes, les services de l’État et le secteur privé qui produit aussi du biofertilisant. Certains producteurs connaissent ces entreprises, mais beaucoup d’autres les ignorent encore. À travers cet atelier, nous voulons renforcer ce lien et faire un plaidoyer pour une transition agroécologique apaisée », souligne Macky Bah.
À travers des exemples concrets, il montre combien la production locale de fertilisants organiques peut constituer une alternative viable aux intrants chimiques importés. « Quand nous prenons aujourd’hui un sac d’engrais chimique à 400 000 francs, et qu’on le compare à un sac de Bocashi, un compost issu de matières organiques locales, on constate que, malgré un coût légèrement supérieur, le Bocashi reste plus durable et plus bénéfique pour les sols », illustre-t-il.

Macky Bah cite l’exemple du Mali, où l’État subventionne ce type d’engrais pour encourager sa production et son utilisation. Il souhaite que la Guinée s’inspire de cette expérience en s’appuyant sur la recherche nationale. « Nous voulons collaborer avec les centres de recherche des quatre régions pour connaître la teneur en éléments nutritifs du Bocashi. Une fois ces résultats disponibles, ils serviront de base scientifique à un plaidoyer pour réduire les importations d’engrais chimiques et valoriser la production locale », précise-t-il.
L’entretien a également mis en lumière le rôle central des jeunes ambassadeurs du climat formés par ACORD-Guinée. Depuis six mois, plusieurs ateliers ont été organisés à Conakry et Kindia sur le changement climatique, en partenariat avec le GRET et le CCFD-Terre Solidaire. « Les jeunes publient régulièrement sur WhatsApp pour partager leurs actions, mais nous avons voulu nous arrêter un moment pour évaluer concrètement ce qu’ils ont pu réaliser », indique Macky Bah.
Ces jeunes leaders sont désormais au cœur d’un projet visant à diffuser la “fresque du climat”, un outil pédagogique interactif pour comprendre et agir sur les causes du réchauffement climatique. « Nous sollicitons le soutien du CCFD Terre Solidaire pour former une petite équipe de formateurs sur la fresque. Une fois ce groupe constitué, il pourra démultipler la formation dans les différentes localités rurales », propose-t-il.
À l’issue de cette rencontre, Macky Bah a lancé plusieurs messages forts à l’endroit des organisations paysannes, des partenaires et des pouvoirs publics. « Au sortir de cet atelier, nous souhaitons qu’il en ressorte une note d’engagement claire pour chacun. Cela permettra d’orienter notre plaidoyer auprès des partenaires et d’éviter que les jeunes ne se découragent. Ce travail contribue à les fixer dans leurs localités plutôt que de les pousser à l’exode », insiste-t-il.
Il a aussi tenu à féliciter les organisations locales pour leur engagement et les a exhortées à partager les acquis avec leurs communautés. « D’abord, je les encourage à faire une restitution une fois de retour dans leurs localités et à partager leurs connaissances avec le peu de moyens dont ils disposent. Je suis très fier de voir à Kankan la production de Bocashi et les semences locales échangées entre régions. C’est un acquis concret », se réjouit-il.
Macky Bah n’a pas manqué d’adresser un message de reconnaissance à la Fédération des producteurs de pomme de terre du Fouta-Djallon : « Je remercie particulièrement le leader, El Hadj Moussa Para Diallo, pour son implication dans toutes les actions menées à travers la COPAGEN et ACORD. »

Il a, enfin, renouvelé son appel à l’endroit des partenaires techniques et financiers, tout en invitant l’État à s’impliquer davantage : « Nous souhaitons que les partenaires continuent de croire en ce que nous faisons, notamment dans la formation des jeunes sur le climat. Quant à l’État, il doit accepter le dialogue avec le secteur privé et les jeunes producteurs. Tout ce que nous faisons vise à appuyer l’action publique et à renforcer l’accompagnement au niveau local », conclut-il.
Sylla Youn, pour Guineeminesnature.com










