RSF dénonce une intervention militaire contre un grand quotidien privé

475446
Deux journalistes du Daily Trust ont été arrêtés et des raids ont été menés par des militaires contre plusieurs rédactions du journal après la publication d’un article révélant la perte de contrôle de certaines localités dans le nord-est du pays. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une grave atteinte à la liberté de la presse et demande aux autorités nigérianes de ne pas entraver l’exercice du journalisme dans le pays quels que soient les sujets abordés.

L’édition du 7 janvier du Daily Trust, l’un des quotidiens les plus populaires dans le nord du Nigeria, a bien failli ne jamais voir le jour. La veille, des militaires ont investi les locaux de deux de ses rédactions. A Maiduguri, dans le nord-est du pays, les soldats ont arrêté le chef du bureau local du journal Uthman Abubakar, qui est toujours interrogé par les services de sécurité, ainsi que l’un de ses journalistes, Ibrahim Sawab, finalement relâché lundi matin. Dans la capitale Abuja, les soldats sont également entrés dans la rédaction pour y saisir plusieurs ordinateurs. Des militaires se sont également positionnés devant le bureau du journal de Lagos, la capitale économique, sans y pénétrer au cours de la journée de dimanche.

Joint par RSF, le rédacteur en chef du bureau d’Abuja du quotidien, Mallam Mannir Dan-Ali a expliqué qu’un article révélant la reprise en main de plusieurs localités par un groupe terroriste proche de Boko Haram serait à l’origine de l’action des militaires. L’article publié dimanche fait notamment état d’un rassemblement de troupes en vue d’une action contre les insurgés. L’armée qui n’avait jamais reconnu avoir perdu les localités citées par le Daily Trust s’est justifiée en accusant le journal d’avoir “divulgué des informations militaires classifiées portant atteinte à la sécurité nationale ».

“Il est intolérable que des militaires se fassent justice eux-mêmes en procédant à des arrestations arbitraires, en saisissant du matériel et en intimidants des journalistes sous prétexte qu’un article leur a déplu, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il est par ailleurs impératif que les autorités du Nigéria cessent de considérer les journalistes qui rapportent des informations sur l’insurrection de Boko Haram comme des complices de ce groupe terroriste. Nous leurs demandons d’ordonner la libération du journaliste encore détenu et de restituer le matériel saisi afin que ce journal puisse continuer à exercer sa mission d’information.”

Ce n’est pas la première fois que le Daily Trust, considéré comme un journal de référence dans le traitement de l’insurrection armée menée par la secte islamiste Boko Haram dans le nord du pays, est la cible des autorités militaires. En 2013, des soldats avaient déjà fait irruption dans les locaux du journal pour tenter d’y arrêter un journaliste accusé d’avoir écrit un article critique sur l’action de l’armée. L’année suivante, le même motif avait motivé la saisie de quatre journaux dont le Daily Trust pour empêcher leur diffusion.

Les journalistes sont fréquemment empêchés d’effectuer leur travail et victimes d’interventions musclées de la part des militaires ou des services de renseignements. En 2018, RSF a recensé une trentaine d’atteintes à la liberté de la presse visant des journalistes ou des médias dont huit directement imputables aux services de sécurité.

Le Nigeria occupe la 119e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Résoudre : *
10 + 18 =