Nés sous la colonisation, les parcs naturels africains perpétuent le mythe d’un continent vierge et sauvage, où les populations locales n’ont pas leur place, estime dans un entretien l’historien Guillaume Blanc, auteur de « L’invention du colonialisme vert » (Flammarion).

« A la fin du XIXe siècle, alors que la révolution industrielle transforme tous les paysages d’Europe, les colons européens sont persuadés de retrouver en Afrique la nature qui vient de disparaître chez eux », raconte le maître de conférences à l’Université de Rennes 2. « Pour sauver cette nature, ils créent des réserves de chasse, qui deviendront ensuite des parcs nationaux, d’où ils expulsent les Africains ».

Pour ces anciens chasseurs, « frappés du syndrome du boucher repenti », ce n’est pas l’exploitation coloniale qui dégrade la nature africaine, mais les Africains eux-mêmes. Pour sauver l’ »Eden africain », ils créent en 1928 l’office international de documentation et de corrélation pour la protection de la nature, ancêtre de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Puis en 1961, naît le World Wildlife Fund (WWF, Fonds mondial pour la nature), une « banque » dont « le rôle est de collecter des fonds pour l’UICN », raconte l’historien de l’environnement.

Après les indépendances, « les administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux » auprès des dirigeants africains. « Au nom de cet Eden idéalement vierge mais malheureusement surpeuplé, les experts recommandent l’expulsion, la criminalisation d’agriculteurs et de bergers » du périmètre des parcs nationaux, raconte-t-il.

« Aujourd’hui encore, des centaines de personnes sont abattues dans des parcs africains pour avoir chassé du petit gibier », affirme l’historien. « Des dizaines de milliers de bergers sont expulsés pour vider les parcs naturels. Et des millions sont punis d’amendes ou de peines de prison pour avoir cultivé la terre ou fait paître leur troupeau. »

Mongena Game Lodge, un établissement touristique au nord-ouest de la réserve Dinokeng propose divers safaris et excursions. MICHELE SPATARI / AFP

Contrôle de la population

Titulaire d’un brevet de guide de randonnée, cet amoureux de montagne originaire des Cévennes s’est intéressé aux parcs naturels africains au cours de sa thèse sur les « parcs nationaux du Canada, d’Éthiopie et de France ». Il constate alors que ces parcs ne sont pas logés à la même enseigne: l’agropastoralisme est valorisé en Europe par l’Unesco mais est source de dégradation en Afrique.

Sur son site internet, l’Unesco juge ainsi que « l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols » constituent des « menaces pesant sur l’intégrité du parc » du Simien, en Ethiopie. En juin 2016, quelque 2.500 habitants d’un village sont expulsés du parc, raconte l’historien, ce qui amène l’Unesco à retirer le Simien de sa liste du patrimoine « en péril » en saluant notamment les « efforts consentis pour réduire le sur-pâturage et l’impact du tourisme ».

Au moins un million d’Africains auraient ainsi été déplacés dans un objectif de « conservation de la nature », selon M. Blanc.

Pourtant, les agriculteurs et bergers éthiopiens « se déplacent à pied, consomment leur propre nourriture, n’achètent jamais de nouveaux vêtements, n’ont pas de smartphone. Si on voulait sauver la planète, il faudrait vivre comme eux et pourtant c’est eux qu’on expulse », décrit-il.

Pour les États africains, les parcs nationaux sont à la fois

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