À travers le programme NaturaGuinée, financé par l’Union européenne et la RainForest Trust, et mis en œuvre par la Wild Chimpanzee Foundation (WCF), les populations locales s’engagent dans la conservation par la production de miel écologique.

Dans les forêts verdoyantes du futur Parc National Pinselli-Soyah-Sabouyah, la vie reprend doucement ses droits. Ici, la fumée des feux de brousse s’estompe peu à peu, remplacée par le bourdonnement des abeilles. Ce changement, les habitants le doivent au projet NaturaGuinée, une initiative ambitieuse de préservation des espaces et des espèces phares de la Guinée, financée par l’Union européenne et Rain Forest Trust, et coordonnée par la Wild Chimpanzee Foundation (WCF).

Cartographie délimitant les zones couvertes par le projet apicole dans la préfecture de Mamou.

Ce programme vise à améliorer la résilience des écosystèmes, des espèces phares et des populations rurales à travers une approche combinant conservation, développement économique et gouvernance locale durable.

« Notre mission est de renforcer la préservation de la biodiversité, notamment des chimpanzés, en travaillant avec les communautés locales. La Guinée abrite la plus grande population de chimpanzés d’Afrique de l’Ouest, et il est essentiel de préserver leur habitat tout en améliorant les conditions de vie des habitants », explique Luc Lubunga, chef du département économie verte, de la gouvernance locale et de la gestion du pâturage pour la WCF.

Luc Lubunga, chef du département économie verte, de la gouvernance locale et de la gestion du pâturage pour la WCF.

Le programme NaturaGuinée s’articule autour de cinq composantes majeures. Il s’agit notamment : de la réhabilitation du parc de Badiar, ancienne réserve de biosphère, pour renforcer sa gestion et son statut juridique; la création du Parc National Pinselli-Soyah-Sabouyah, pour protéger les forêts et les espèces emblématiques; les sanctuaires de faune, destinés à réhabiliter les animaux captifs et favoriser leur réintégration; la lutte contre le trafic d’espèces sauvages, menée avec la Brigade nationale de lutte contre la criminalité faunique; la réhabilitation du Jardin de Camayenne, futur centre d’éducation à la botanique et à la biodiversité, en fin le soutien de réhabilitation des infrastructures du centre de conservation des chimpanzés (CCC) dans le parc national du haut Niger.

Mais au-delà des textes et des lois, c’est sur le terrain que le projet NaturaGuinée prend tout son sens, notamment à travers l’apiculture durable, devenue un véritable levier de conservation et de développement durable.

En 2025, 296 apiculteurs répartis dans 14 villages ont été accompagnés dans le cadre du programme. La dotation comprenait : 170 ruches kenyanes avec tenues et équipements complets, 46 kits de protection, 7 fûts de maturation, presses à miel et divers outils, et 30 ruches kenyanes remises à la confrérie des chasseurs de Mamou.

Grâce à cet appui, la production annuelle a atteint 12 924 litres de miel, générant 323 112 500 francs guinéens (soit environ 32 000 euros) de revenus directs pour les producteurs. Avec un taux moyen d’occupation des ruches modernes de 81 %, un record dans la région. « L’apiculture durable n’est pas seulement une activité économique. C’est un engagement de protection des forêts tout en assurant un revenu digne aux communautés », souligne le responsable du programme.

Dans le parc national Pinselli-Soyah-Sabouyah, le passage de l’apiculture traditionnelle à une apiculture écologique a transformé les pratiques et réduit les risques. « Avant, les apiculteurs utilisaient le feu pour récolter le miel, brûlant parfois les abeilles et provoquant des incendies. Aujourd’hui, grâce aux tenues de protection et aux ruches modernes, la récolte se fait en sécurité, sans nuire à la nature », explique le responsable de la WCF.

Le projet a formé des centaines de producteurs, les dotant de matériel professionnel : gants, bottes, enfumoirs, seaux et presses à miel. Les équipes locales assurent un suivi régulier pour garantir la bonne occupation des ruches et la qualité du miel. Résultat : la valeur du miel a considérablement augmenté. « Avant le projet, 1 litre de miel se vendait à 15 000 francs guinéens. Aujourd’hui, il s’échange entre 24 000 et 25 000 francs », confie, ce cadre de la WCF précisant que cette progression a permis d’améliorer les revenus et la sécurité alimentaire de plusieurs familles dans le parc.

Les retombées environnementales sont notables. La présence des ruches incite les habitants à protéger les forêts, car les feux de brousse menacent désormais leurs propres revenus. « Quand on sait qu’une ruche peut produire jusqu’à 25 kilos de miel, personne ne veut risquer de la perdre dans un incendie. C’est pourquoi actuellement, les feux de brousse ont fortement diminué dans les villages partenaires, permettant à la végétation de se régénérer », explique le responsable du programme, avant de souligner que sur le plan économique, le changement est tout aussi visible. Car certaines familles gagnent désormais 12 à 20 millions de francs guinéens par saison (entre 1 200 et 2 000 euros).

Des bénéficiaires fiers et reconnaissants

À Lafou, les bénéficiaires n’ont pas encore commencé à récolter du miel. Mais ils se montrent déjà engagés et motivés. Thierno Oumar Diané, président du groupement d’intérêt général (GIG), témoigne de la transformation vécue par sa communauté. Malgré quelques difficultés liées à la mobilisation des membres, il reste confiant : « Le projet nous a formés, équipés et accompagnés. Nous faisons de l’apiculture éco-responsable, en harmonie avec la nature. C’est quelque chose de concret, nous n’avons pas encore commencé les récoltes, mais je pense que les résultats seront satisfaisants. Nous avons de l’espoir, et nous voyons déjà les fruits de notre engagement. »

Thierno Oumar Diané, président du groupement d’intérêt général (GIG) de Lafou.

Même satisfaction du côté des chasseurs traditionnels de Mamou. « Nous sommes très contents du projet. Grâce à cette dotation, nos capacités sont renforcées et nos conditions de vie s’améliorent. Nous remercions sincèrement le projet NaturaGuinée, à travers la WCF et ses partenaires, pour ce soutien », déclare Mamadou Maladho Barry, membre de la confrérie.

Mamadou Maladho Barry, membre de la confrérie.

À Sogoroyah, Balla Mara, président de l’Association Villageoise pour la Conservation et le Développement, souligne aussi le changement de leurs conditions de vie à travers l’activité apicole : « Avant, un bidon de 20 litres de miel se vendait à 200 000 francs guinéens. Aujourd’hui, grâce au projet, il se vend entre 450 000 et 500 000 francs (environ 45 à 50 euros). Le projet nous aide aussi à trouver des acheteurs et à mieux vivre de notre travail. »

Balla Mara, président de l’Association Villageoise pour la Conservation et le Développement

Au-delà de l’apiculture, le projet NaturaGuinée ouvre la voie à une nouvelle relation entre hommes et nature en Guinée. Les communautés du Parc national Pinselli-Soyah-Sabouyah, autrefois dépendantes de la chasse ou du bois, deviennent désormais gardiennes des forêts et actrices de la conservation. Cette réussite prouve qu’il est possible d’allier la protection de la biodiversité et le développement économique local.

« Chaque ruche installée, chaque litre de miel produit, est une victoire pour la nature et pour les familles rurales. Et c’est cela, l’esprit du programme NaturaGuinée. », conclut Luc Lubunga.

De retour de Mamou

Younoussa SYLLa

Pour Guineeminesnature.com