La préfecture de Boké, longtemps considérée comme une terre fertile pour la culture de l’anacarde, voit aujourd’hui ses producteurs désabusés. Entre les effets néfastes de l’exploitation minière, la mainmise des commerçants sur le marché et l’absence d’accompagnement de l’État, les planteurs peinent à tirer profit de leur dur labeur.
Le président de la Coopérative régionale des producteurs d’anacarde de Boké, Alpha Santana Coulibaly, tire la sonnette d’alarme : « La production de l’anacarde à Boké existait bien avant nous, mais elle n’était pas structurée », explique Alpha Santana Coulibaly. Dans les années 1980, inspiré par les pratiques observées en Guinée-Bissau, il s’est lancé avec d’autres paysans dans la plantation d’anacardiers et d’acajous.
« Nous avons compris que c’était une culture rentable pour les communautés. Aujourd’hui, près de 70 % des habitants de Boké sont des planteurs d’anacarde. Cette activité a transformé la vie de beaucoup de familles », témoigne-t-il avec fierté.

Selon le président de la coopérative, la multiplication des projets miniers dans la région a eu des conséquences désastreuses sur les plantations : « Depuis que les sociétés minières ont commencé leurs activités, beaucoup de plantations ont été détruites. Elles ne paient pas correctement les dédommagements et refusent de collaborer avec nous. Les administrateurs locaux nous écartent des discussions alors que c’est nous qui représentons les paysans. Quand on intervient pour défendre nos membres, on nous accuse que nous voulons faire la grève. »
Outre les destructions physiques, Alpha Santana Coulibaly évoque un phénomène plus insidieux, ce sont les gaz toxiques issus des activités industrielles : « Avant, une plantation pouvait produire de 5 à 10 tonnes. Aujourd’hui, on n’obtient plus que deux (2) tonnes. Les fleurs sèchent et tombent avant même de donner des fruits. Cela a commencé il y a une dizaine d’années. »
Le président de la coopérative dénonce également le monopole de la Chambre de commerce et des commerçants sur la fixation des prix où ils ne sont pas associés : « Les producteurs n’ont jamais été associés aux discussions sur les prix de vente. Ce sont les commerçants qui décident, selon leurs intérêts. Parfois, on fixe un prix à 13 000 francs le kilo, et du jour au lendemain, il descend à 5 000 ou 6 000 francs. »

Pire encore, selon lui, tout producteur qui tente de vendre à un prix supérieur est sanctionné : « Quand quelqu’un augmente le prix, on l’arrête. Ici à Boké, les commerçants s’enrichissent sur le dos des paysans. » Malgré les plus de 12 000 planteurs regroupés au sein de la coopérative et les 630 membres actifs de son bureau, les producteurs se sentent oubliés.
« Le ministère de l’Agriculture ne s’occupe pas de nous. Les représentants locaux ne viennent jamais sur le terrain. Les campagnes agricoles s’ouvrent sans la participation des coopératives. On ne nous consulte même pas pour fixer les prix. »
Il déplore également l’insuffisance des infrastructures, l’absence de pistes rurales, de magasins de stockage et de terrains de séchage : « Tout se fait au détriment des agriculteurs. Les commerçants dictent leur loi, et les autorités ferment les yeux. »
Comme si cela ne suffisait pas, les feux de brousse ravagent aussi chaque année des hectares de plantations. Un phénomène face auquel ils n’ont jamais trouver de solution : « L’année dernière, un de nos grands producteurs a perdu plus de 170 hectares d’anacardiers. Ils ont attrapé l’auteur mais qui n’a jamais été réellement sanctionné. Ils prennent l’argent avec la personnes et la laissent partir. »

Pour Alpha Santana Coulibaly, seule une intervention directe du président de la République, Général Mamadi Doumbouya, peut sauver la filière. Selon lui, Boké pourrait produire jusqu’à 200 000 tonnes d’anacarde par an si la filière était mieux organisée.
« Le président doit nous aider à régler ce problème. Depuis l’indépendance, les producteurs d’anacarde n’ont jamais bénéficié d’une politique claire. L’anacarde, c’est la richesse de Boké. Si l’État nous soutient, la région peut devenir un moteur économique durable pour toute la Guinée. »
Sylla Youn, de retour de Boké, pour guineeminesnature.com










